• Comment es-tu arrivé à Fosterhampton : En bus. C'est loin, Mold.
• Tes proches, que pensent-ils de ta présence ici : Manifestement, ils s'en tamponnent l'oreille comme de leur première couche culotte.
• Où as-tu grandis et avec qui : Mold, soit l'EnferTM, un trou paumé dans la campagne, où y'a rien à faire. Mais y'avait Branko.
• Tes parents, tu peux nous dire quoi à leur sujet : Papa je m'en foutiste, un peu trop attaché à Branko. Maman banale qui voulait roucouler sur du maquillage avec sa fille, sauf que c'est pas le genre de Pavla.
• Tu as des frères/sœurs, tu peux nous en parler : Branko, on peut le considérer comme son meilleur ami, son grand frère adoré qu'elle protégerait au péril de sa vie.
• Tu as une passion : La boxe ? Les études ? Bof...
• Aimerais-tu quitter cette ville : Certainement pas, elle a bien trop galéré à arriver jusque ici.
• Comment vois-tu ta vie dans dix ans : Qu'est-ce qu'elle en sait...

When I find myself in times of trouble, Mother Mary comes to me...

Elle tourna le regard vers le petit lecteur CD qui trônait comme toujours sur le bahut branlant. Cette chanson qui tournait en boucle dans la maison depuis lui semblait-il des décennies, est-ce que c'était un message subliminal pour elle ? Est-ce qu'elle devait juste accepter que son frère soit loin d'elle ? Elle soupira, sans que cela ne couvre la voix de crooner du chanteur des Beatles. Elle était étalée de tout son long sur le canapé familial, qui avait la vie dure ces derniers temps, et s'affaissait avec l'âge.

And in my hour of darkness she is standing right in front of me...

Dans ses mains, un bouquin, une lecture conseillée en philo. Elle aurait du rendre fière ses parents, Pavla. Elle était forte et intelligente en tout, c'était comme si elle n'avait pas de défauts. Bon, peut-être que des fois, elle aurait pu aider au ménage au lieu de râler, mais surtout, on lui reprochait surtout son manque de sociabilité. Elle jeta un oeil à la fenêtre, où un ciel gris et moche s'étalait. Mold lui semblait le village le plus paumé du monde. Comment aurait-elle pu s'y faire des amis quand il n'y avait même pas un cinéma ? Au lieu de ça, elle se tapait la collection de cassettes de sa mère, qui enregistrait absolument tous les films romantiques qui passaient à la télé.

Speaking words of wisdom, let it be...

Elle referma son livre d'un coup sec, se leva brusquement pour se retrouver nez à nez avec un poster d'Anthony Joshua "dédicacé" qui semblait prêt à partir en lambeaux. Toute la famille était à fond dans la boxe, et même elle en faisait toutes les semaines, mais... Elle boudait la pratique, depuis quelques temps. Après tout, c'était à cause de ce foutu sport que Branko était parti. Et Fosterhampton, c'est pas la porte à côté. Le nombre de disputes qui avaient résonné dans la maison, juste parce qu'elle voulait le rejoindre...

Let it be, let it be, let it be, let it be...

Quelques pas la séparaient à peine de la cuisine et de la cafetière qu'elle mit en branle. « Tu bois encore un café ?! » qu'elle entendit depuis le salon, mais elle s'en fichait. Au point où elle en était, la caféine était mêlée à son sang pour dix ans, alors un peu plus ou un peu moins... Au moins, le ronron lancinant de la machine cachait un peu la chanson. Ainsi soit-il, hein... Pourquoi devrait-elle forcément laisser les choses telles qu'elles l'étaient ?! Pourquoi devrait-elle forcément obéir aux lois de l'univers, du destin, ou quoi que ce soit d'autres qui se nomme parents ? Elle était trop fatiguée et dans son cafard pour péter une durite, mais sa décision était prise.

Désormais, elle allait mener la vie dure aux "Ainsi soit-il."

Whisper words of wisdom, let it be...

Disparaître dans sa chambre avec sa tasse à la main fit s'évanouir les échos de la musique. Jusqu'à ce que son frère parte, elle avait partagé cette petite pièce avec lui. Un rideau entre les deux lits devait accorder le minimum d'intimité au frère et la soeur, et elle ne l'avait pas touché. Tout était en l'état, comme si le soir même, Branko allait débarquer, avec ses cheveux vert psychédélique, et son grand sourire couillon qu'elle adorait. Déposant sa tasse sur son bureau envahi de livres, fiches de cours et papiers froissés, elle attrapa son portable. Evidemment pas le moindre message de qui que ce soit, mais certainement pas un de son frère.

Tu comptes rentrer nous voir pour les vacances ?

Aucune réponse depuis hier. Il était sans doute trop occupé entre ses cours et ses compétitions. Trop occupé à vivre sa vie rêvée à... Comment s'appelait cette école renommée, déjà ? Ah oui, Blenheim. Il fallait une recommandation. Etre repéré par le personnel, et puis, il fallait payer cher. Même si Branko avait eu de la chance et une bourse, il était inutile qu'elle rêve-- Ou alors... Elle eut un regard vers ses cours. Elle avait un bon dossier scolaire. Si elle économisait un peu d'argent avec un petit boulot, si... Oui, elle allait faire ça.

C'était décidé. Coûte que coûte, elle entrerait à Blenheim, et retrouverait son frère.

Rien n'était gagné, c'était certain. Elle savait qu'on n'entrait pas si facilement à Blenheim. Son frère n'avait rien fait pour, et il avait reçu une lettre. Le genre, parchemin de cuir avec un sceau qui arrive un beau matin, et tu es invité dans une prestigieuse école. Elle soupira. Sans doute cela n'arrivera jamais, mais elle ne pouvait s'empêcher d'espérer... Après tout, s'ils avaient pris son benêt de grand frère... Mais bon. De toute manière, même si elle n'était pas prise, elle se devait d'avoir un bon dossier scolaire, afin d'intégrer malgré tout une bonne école. Mais si elle en touchait deux mots à Branko, peut-être... Même s'il s'en fichait... Ah, assez de peut-être ! Elle attrapa son agenda, décidée à se plonger dans le travail, jusqu'au bout. Jusqu'à Blenheim.