❝ BIOGRAPHIE : Un doux sourire, un mot gentil, une caresse sur la joue, parfois, il suffisait de peu pour sauver une âme en perdition. Théoriquement. Parce que tout ça ne l’avait pas sauvé lors des épreuves qu’elle avait vécu au cours de sa vie. Jalander était de ceux qui souriaient, ne se plaignaient jamais alors que leur cœur semblait se fendre dès que quelqu’un demandait si ça allait. Pourtant, au début, tout était bien, parfait, reposant. La jeune femme se rappelait des bêtises faites avec son frère, des rires qui embaumaient la maison, des bons petits plats de cette mère aimante, des bricolages de jouets de son père. Et de la naissance de son petit frère, de cet être débordant d’innocence et de joie de vivre. Elle n’avait jamais été aussi heureuse que lorsque ses parents leur apprirent qu’ils allaient accueillir un nouveau membre dans la famille. Un bébé, un enfant à qui elle pourrait apprendre à cracher, à sauter dans la boue et qu’elle aimerait presque autant que sa moitié d’âme. Parlons-en d’Aethelwulf. C’était son jumeau. Sa mère disait souvent que lors des échographies, on les voyait parfois se tenir la main. Cette personne était l’homme de sa vie, celui pour qui elle serait capable de tout, de n’importe quoi. De donner sa vie, même. Le savait-il ? Elle l’espérait.

Pendant près de quinze ans, ils étaient heureux, tous ensemble. Elle aimait cette vie, cet esprit, ce sentiment de calme et de plénitude. D’amour débordant et d’espoir d’une vie presque parfaite. Mais, c’était bien trop facile, non ? Oui. Puis, l’épée de Damoclès tomba rapidement. Souffrance, désespoir, peur… Son père tomba gravement malade. Une maladie rare apparemment, héréditaire et uniquement masculine. Un nom barbare pour une chose qui allait la priver de son héros, qui allait poser un fardeau bien trop lourd pour Ae et Sam. Pour elle aussi. Pour sa mère qui voyait sa vie s’étioler, se déchirer comme un tissu usé par les années. Malheureusement, la bestiole s’était réveillée bien tard chez son géniteur, ce qui risquait de ne pas arranger les choses. Et que les médecins le prenaient plutôt pour un cobaye qu’un patient digne de ce nom. Mais, tout cela n’impliqua pas que son paternel. Ses deux petits hommes devaient subir un nombre incalculables de test en tout genre pour s’assurer qu’ils n’étaient pas porteurs de cette saloperie. Personne ne put réellement écarter la possibilité que son jumeau ne tombe jamais malade de même pour Sam. Malgré tout… Malgré cette merde innommable, la mère de famille restait tellement forte, tellement froide avec Jal’. L’adolescente comprenait, après tout, elle était certaine de ne pas avoir cette maladie mais ses frères… C’était autre chose. Alors, la jeune femme ne dit rien, rongeant son frein en commençant à prendre en main la maison, soulageant ainsi sa mère de quelques fardeaux insignifiants.

Mais… Mais la vie était décidément une pute avec la famille Churchill. Son père avait beau combattre ce truc de toutes ses forces, rien n’y faisait. Ca s’aggravait. Et Jalander le voyait décliner petit à petit dans un tourbillon de souffrance atroce qu’elle ne supportait plus. Ce fut elle qui supplia les médecins de le soulager, de le laisser partir en paix, dans le peu de dignité qui lui restait. Parce qu’il lui avait demandé, parce que dans son regard si pur, elle avait vu qu’il était fatigué, qu’il méritait du repos, une vie meilleure ailleurs. Mais, ils refusèrent tout net. C’était interdit. Alors, elle repartit, penaude, dans la maison familiale, encore plus triste qu’avant. Malgré ça, Jalander ne dit rien, ne montra rien, essayant de préserver ses frères. Lorsque le téléphone sonna, elle comprit. Elle vit la tête de sa mère, elle sut. Enfin libre. Papa… En cachette, la jeune femme pleura toutes les larmes de son corps. Et sa mère qui restait d’une froideur ingérable. L’adolescente explosa quelques heures plus tard alors qu’Ae était partit avec Sam pour lui acheter une boisson. Et là, elle vit toute l’étendue de la douleur de cette femme. Elle était dévastée. Perdue. Encore plus que Jalander. Alors, l’adolescente se fit une promesse, soutenir autant que possible sa mère, la protéger du monde et de la douleur.

Puis, la vit reprit son court, différente et presque fade. Presque. Jusqu’à cette après-midi d’hiver où les souffles se transformaient en buée. Elle faisait un footing avec son frère jumeau, c’était devenu un rituel, une chose qui calmait son cœur, gorgeait son âme de cet amour unique entre jumeaux. Mais, ce fut différent. Trois hommes, des molosses. Le sang, les coups et… Et le reste… Elle n’avait que dix-huit ans lorsqu’elle perdit sa virginité. De force. Dans la douleur et l’horreur. Le pire ? Voir son frère se faire frapper à mort. Elle se souvenait de tout, elle ne tomba pas un instant dans le coma. Tout resterait graver à jamais dans son esprit, brisant son âme pour toujours. Ils fuirent, les laissant pour mort puis les pompiers arrivèrent pour les sauver après qu’elle les ai appelés. Elle dut subir un nombre incalculable de questions, de prélèvements en tout genre, une deuxième intrusion dans son intimité. Et Aethel… Comment allait-il ? Elle ne cessait de poser la question mais personne ne répondait. Tout le monde la regardait avec tellement de pitié qu’elle en avait envie de vomir.

Et qui débarqua comme une fleur ? Son jumeau, perfusé de partout et dans un sale état. Oh… Aethel… Ses yeux se remplirent de larmes mais aucune ne coula. Elle eut peur. Une peur viscérale de son propre frère. Elle hurla et essaya de l’envoya bouler. C’était plus fort qu’elle, impossible de se contrôler. Cela dura deux semaines entières de thérapie à deux balles. Mais, lorsqu’elle revit son frère, elle put se blottir contre lui, lui demander des câlins et être moins sur la défensive. Pourtant, la réalité de son esprit était totalement différente. Elle avait peur de sortir, de se balader, de rester seule. Mais, lors d’une de ses thérapies, elle rencontra un homme qui changea sa vision de la vie. Tandis que son frère semblait obsédé par la loi, elle, elle tentait de se reconstruire. Accepté sa faiblesse vous rend plus fort, Jalander. Tu n’as pas à avoir honte d’être morte de peur. Tu es forte. Redeviens forte.

Ces mots restèrent gravés. Comme une gifle puissante sur sa joue meurtrie. Elle enfouit ce traumatisme au plus profond de son âme, se concentrant sur l’aide qu’elle pouvait apporter aux autres. Mais, Ae décida de déménager, de quitter la maison familiale. Sans rien dire, Jalander le suivit finalement, acceptant un poste de CPE dans un établissement reconnu. Et la voici, veillant sur son âme sœur, jalousant cette relation unique qu’elle avait avec lui. Parce qu’il resterait toujours le premier, le préféré.