Je vais le démolir.

    J’en peux plus, j’suis un animal en cage et il faut que je me défoule sur n’importe quoi. On va dire que la gueule d’un raté fera l’affaire. Pour cette fois. Et j’ai déjà mon idée sur qui. Je serre le poing. Ok, elle a agi comme une sombre conne. C’est présentement une sombre conne. Mais elle mérité pas de se faire détruire. Personne ne mérite ce genre de choses, d’ailleurs. Maman nous l’a inculqué très tôt, à mes frères, mes sœurs et moi-même. Ne jamais faire à autrui quelque chose qu’on ne voudrait pas essuyer par la suite. C’est déloyal. Et j’ai horreur les choses déloyales. C’est encore pire que la trahison ; au moins avec cette saloperie, tu sais sur quel pied danser, t’es fixé. Avec les gens déloyaux, impossible de savoir vraiment. Et ça m’écœure.

    Déso’ frangin, sur ce coup-là, j’vais pas chercher à faire comme toi. Ouai, non. Mon jumeau il sait faire des belles phrases, de jolies envolées lyriques, des passations d’émotions par cargos dans le cœur des gens – dont moi, j’admets. Mais là, c’est pas avec une poésie lyrique que je vais lui faire regretter d’avoir sortie la tête de l’entrejambe de sa foutue mère. Pardon. J’avais promis de rien dire sur les mamans ; elles y sont pour rien, elles, au fond, si leurs rejetons font d’là merde. Un peu comme Théodora. Carrément comme Théodora. Putain ce qu’elle peut m’énerver. Pourquoi elle m’a pas écouté depuis le début, merde ? J’en ai rien à foutre, quand je la revois je lui balance un bon gros ‘j’t’avais prévenu’. C’est bon, c’est pas parce qu’elle a un statut de jeune maman en devenir qu’il faut la choyer forcément. La vie c’est pas du miel et des jolis guirlandes à qui en veut en voilà. La vie c’est une chienne et parfois, ouai, faut s’abaisser à la baiser un peu pour être tranquille.

    T’avais qu’à montrer les crocs, Théodora. L’amour ça justifie pas tout. Mais bon,  malgré tout j’espère que tu trouveras quelqu’un en qui avoir confiance après. Je garderai un œil sur toi. T’es douée pour tomber sur les pires crevards. Une fois, pas deux, pour l’amour du dieu que je ne prie pas. En attendant, c’est quand même pour tes beaux yeux que j’fais ça, Théodora. Et tu le verras même pas. Tant pis, sur ce coup-là, j’attends pas de retour. On va dire que je te fais une fleur. Faut que j’arrête de te parler comme si t’étais là, quelque part dans ma tête. C’est visiblement pas dans la mienne que t’as décidé de t’installer et voilà où ça t’as mené.

    Bref. Je suis territorial, je suis un animal. Benjamin est la douceur, je suis la brutalité. C’est putain de cliché, mais c’est vrai. J’ai toujours admiré mon frangin pour ça. Il sait apaiser là où je ne sais que provoquer. Mais c’est un autre débat. Pour l’instant la bête est lâchée et elle a putain la dalle. Fallait pas touché à Theo. C’est mon amie, donc elle m’appartient. Et je suis pas prêteur avec ce qui m’appartient. Encore moins quand on me les rend cassé, sciemment. Le monde entier pourrait brûler – ou presque – que je garderais mes possessions fermement entre mes crocs. Shawn, Shawn, Shawn. Longtemps que j’t’ai pas croisé, ordure. Du dira bonjour à mes jointures de phalanges, histoire d’être correct.

   Ah. Un bruit. Ben voyons, bien sûr qu’elle allait venir aussi. « Tiens donc, t’es sortie d’ton repaire ? Pourquoi faire ? Si tu veux m’inviter à t’explorer, faudra attendre pour ce soir, j’vais être pas mal occupé. » Elle le prendra pas mal. Et même si c’est le cas, là, tout de suite, je m’en branle. « Par contre si t’es là pour une p’tit baston, j’vais pas dire non. Ce serait con de refouler un allié. » Et tu vas faire quoi, Kae ?

(c) morphée/candide

Il y a des personnes pour lesquelles on est prêtes à tout.
Ces personnes qui ont une réelle importance, ces personnes dont on a besoin pour avancer dans la vie. Et Théodora fait pleinement partie de ta vie. Malgré les accrocs que vous avez pu avoir ces derniers temps.

Tu savais qu’il serait une source de malheur. Tu l’avais senti. Tu avais toujours eu du flair sur ce genre de truc. Tu l’avais prévenue, Théo, qu’elle devait se méfier. Tu lui avais dit et redit. Encore et encore. Tant et si bien qu’elle s’était éloignée de toi. Que vous vous étiez disputées si fort qu’elle avait pris ses distances.
Tu n’avais pu que le haïr plus encore.

Alors, quand l’annonce de leur rupture étais parvenue à tes oreilles, tu n’avais pas pu te réjouir. Parce que tu savais qu’elle allait trinquer. Tu l’aimais comme une sœur, tu souffrais en même temps qu’elle. Et tu allais le détruire. Parce qu’il n’y avait aucune raison qu’il vive sa vie tranquillement alors qu’il laissait ta meilleure amie enceinte et sans le sou, brisée.

Kaelen avait pris en compte les différentes options qu’on lui avait proposée. Mais elle savait qu’il n’y en avait qu’une. Et Kaelen se fichait pas mal de savoir que Théodora n’aurait pas d’argent, Kaelen aurait vidé son compte en banque pour elle et son bébé si ça avait permis à la chasseuse de tête de se sentir mieux.

Alors, quand elle avait entendu l’un de leurs camarades dire que Perrault était parti en trombe de leur QG pour trouver ce moins que rien, Kaelen n’avait pas jugé utile de le prévenir.
Parce que si Kaelen pouvait sembler calme aux premiers abords, seul quelqu’un qui la connaissait réellement pouvait lire la colère immense et la rage qui bouillonnait au fond de ses yeux.

« T’en fais pas, une fois m’a suffi. »

Chris n’était que l’une de ses conquêtes. Peut-être pouvaient-ils parfois s’entendre l’un et l’autre. Mais, Chris méritait plus de baffes que d’étreintes. Et Kaelen devait bien avouer qu’elle ne trouvait plus rien d’attrayant à ce blond-là.

« Je vais le détruire. »

Parce que s’ils y avait bien une chose qu’ils partageaient sans concession, c’était l’amitié de Théo.  

Les poings serré, le regard dur, Kaelen ne compte pas laisser ce fieffé connard s’en sortir comme ça.

« Tu sais où il est, n’est-ce pas ? »

  « Ahin, pourtant t’en redemandais quand on y était. Mais ta mémoire doit te faire défaut, j’imagine. Pas de problème, c’est connu que les anglais ne retienne que ce qui les arrange après tout. » Petite vanne, petite pique. Bat les couilles. Là encore si elle le prend mal, c’est pas moi que ça va inquiéter. Je fais craquer les os de ma nuque, j’suis fin prêt à me battre. Un regard à Kaelen. Elle a tout compris. Maligne la petite. Ahah.

« Juste derrière les bâtiments encore vides, ceux en passe d’être achetés. Il attend son dealeur. » Enfin, après, est-ce que Shawn se drogue, en fait ? J’en sais rien, foutrement, et je m’en branle mais d’une puissance flirtant à la limite de l’illégal j’crois bien. Que ce soit son dealeur, un pote ou juste une meuf qu’il prévoit de s’envoyer, ça revient au même, ce type va prendre cher. Je vais m’arranger pour que ça passe tout seul… Pour moi. Parce que lui avant de pouvoir draguer de nouveau, il va ramer un peu. Qu’il s’estime heureux que je décide pas de faire un trou dans la barque pour le condamner, d’ailleurs. Ça va, à deux sur lui j’pense que la chasse sera suffisamment.

Maintenant je réfléchis un peu, parce que ouai ça m’arrive. Théo a pas une thune et elle refusera que je l’aide avec la mienne. Je vais devoir agir malin si je veux la tirer des emmerdes sans trop me mouiller pour pas qu’elle me pète un câble dessus – pas que ses gifles fassent particulièrement mal mais si je pouvais garder mes oreilles au calme un peu, ça m’arrangerait. Et puis, je l’ai, mon illumination. Shwan a une bague à la main gauche, toujours. Il l’enlève jamais, je crois. Or pur si ma mémoire et mes observations sont bonnes. Ça devrait le faire. Il va l’enlever ce soir. S’il faut je lui prendrais la main qui va avec.

(c) morphée/candide

« Prends pas la grosse tête Perrault, ta queue est p’t’être bonne mais elle vaut pas plus qu’une autre. »

Non, Kae n’était pas d’humeur. Mais elle n’était pas vexée non plus. Elle répondait à Chris sur le même ton. Elle n’avait qu’une seule envie à présent, aller coller son poing dans la gueule du connard qui avait brisé sa meilleure amie. Alors ce matin-là, elle avait enfilé les chaussures les plus lourdes qu’elle avait, celle avec un renforcement métallique au bout. Et elle avait mit des bagues. Des grosses.

Elle pouvait lire sans peine la rage qui bouillonnait au cœur du blond. Et Kaelen était heureuse de voir que Théodora avait d’autres alliés. D’autres amis. Des personnes de confiance. Et, si elle devait bien reconnaître une qualité au blond, c’est qu’il était digne de confiance.

« Allons lui péter sa sale gueule de p’tit pété de thunes. »

Elle prend la tête de la file, dans la direction indiquée par Christophe. Il est bien là, il attend quelqu’un.

« Bah alors, Shawn, mon chou, t’attends quelque chose peut-être ? »

La voix doucereuse, coupante comme du papier, froide comme la glace. Le regard de Kaelen est assombri par ce qu’elle voit.

« Qu’est-ce que tu veux Knightwalker ? »
« Te détruire. »

Son regard se pose ensuite sur Chris. Il blanchit quelque peu. Mais il essaie tout de suite de reprendre contenance.

« C’est dommage, j’ai oublié mon cran d’arrêt. J’suis sûre qu’on aurait pu donner tes couilles à bouffer au premier clébard qu’on aurait croisé… Quoi que, ça n’aurait pas été très gentil pour le cleb’s, t’en penses quoi Perrault ? »


Tu sais où il est, n’est-ce pas ?

   J’en peux plus putain, j’ai les doigts qui tremblent. J’ai besoin de me défouler. Sur la gueule de cet enculé. Je prends même pas acte de la réponse de la brune qui m’accompagne, ça m’intéresse pas au fond. Pour l’instant le seul truc qui nous relie, c’est qu’on veut exploser les dents du même gars. Rien de plus, rien de moins. Je sens mon sang qui va à fond dans mes veines. Je sais pourquoi. Ça c’est l’excitation pré-baston. Enfin, pré-exécution si tout se passe comme je le voudrais. Ce ne sera pas le cas, évidemment. On va pas le buter, pour sûr. Je vais pas risquer la taule pour une enflure pareille. Mais lui faire croire que si, c’est tout à fait dans mes plans.

On avance, on le rejoint bien vite, comme prévu. J’ai des frissons. J’ai hâte. Je suis comme un chien de chasse qu’on vient de libérer. Je traque ma proie. Et je l’ai trouvé. Apparemment, lorsqu’il voit ma gueule, il n’apprécie pas trop. Son teint est devenu un peu plus pâle tout à coup. Tant mieux. Je siffle entre mes dents. « Calmos l’anglaise, on a dit qu’on verserait jamais dans la maltraitance animale, tu t’souviens ou pas ? » Je préférerais sauver un clébard de la noyade plutôt que ce fils de pute.

« Par contre, me le faire contre le mur, pourquoi pas. » Eurk. Manquerait plus que ça. Mais bon, c’est comme pour le reste. Faire genre. C’est ma spécialité. Je fais un pas en avant, puis un autre. J’attends. J’oublie pas qu’on est deux dans l’affaire.

(c) morphée/candide

« Ouais t’as raison, j’donne pas du fric à la SPA pour rendre les pauvres bêtes malades.  »

Parce qu’au fond, Kaelen est une grande gueule mal léchée, mais elle aime les p’tites bêtes. Les chats surtout, mais aussi les chiens. Et qu’elle ne voudrait en aucun cas infliger à un chien des maux d’estomac. Alors elle jette un regard circulaire autour d’elle et aperçoit une barre de fer au loin. Un sourire étire ses lèvres.

« Tu te salirais avec lui ? On a dit qu’on ne faisait pas dans la maltraitance animal Perrault. Utilise plutôt ça. »

Elle approcha de la barre de fer et s’en empara. Elle revient à la hauteur de Chris alors que Shawn essayait de s’en aller, de s’éloigner.

« Déconnez pas les mecs, j’sais pas c’que vous avez en tête mais faut vous arrêtez là, vous aurez des problèmes. »
« Tu crois ça ? T’en penses quoi Perrault, lesquels de nous vont avoir plus de problèmes ? »

Kaelen approcha de Shawn, la barre en l’air. Elle lui donna un coup de pieds dans le genou, celui-ci émettant un craquement sinistre et obligeant le jeune homme à finir à terre. Kaelen tendit la barre à Chris avec un sourire mauvais.

« Alors, tu veux toujours le prendre contre un mur ? Avec ça, ça risque d’être moins agréable. »

   Je me marre, putain. Fais chier, j’avais dit que j’essayerai de rester sérieux. Mais je ne peux juste pas. Pas quand je vois ça. Ce spectacle ridicule qui ne mériterait même pas de finir en dernière partie d’une kermesse d’école de bas classement dans les quartiers les plus craignos de France. Il me fait pitié. Bordel mais comment Théo a pu le laisser se coucher sur elle ? Comment elle a pu se laisser engrosser par ce rebut de l’humanité ? Y’avait des tas de mecs plus censés que celui-là, plus signe d’être père d’une manière ou d’une autre. Même moi j’aurais accepté si elle avait absolument voulu un bébé. En toute amitié. Mais j’aurais su faire face.

  Je me craque la nuque. « Tu m’facilites pas la tâche, Knight’. Mais bon ça c’est pas nouveau. » Pas comme si elle continuait de s’incruster dans ma vie par tous les moyens. Pour un peu je ferais une blague sur le fait qu’en vrai elle ne peut juste pas se passer de moi. Et je me ferais frapper. Avec le sourire. Mais c’est pas le moment. « T’as raison, encore. Pas de maltraitance sur la magnifique animal que je suis. Surtout au pieu. Tu peux témoigner je pense. J’dois encore avoir des enregistrements de tes gémissements quelque part sur mon téléphone. Il pourra jamais te battre, crois-moi. »

   Qu’il continue de flipper, juste un peu pour voir. Je me rapproche de lui en me léchant la lèvre inférieure et je défais ma ceinture, dans un premier temps. Je le lâche pas du regard, avec les lentilles rouges sang. Elles ont enfin une autre utilité que celle d’avoir l’air cool ou de pécho. Dingue le nombre de nanas qui veulent s’envoyer en l’air avec un vampire. Mais bon, passons. Je joue le jeu. Et j’adore ça. J’suis sûr que j’aurais été un super acteur au théâtre.

(c) morphée/candide

Theodora est sa meilleure amie.
Malgré leurs heurts qu’elles ont pu avoir ces derniers temps.
Malgré la douleur qui n’a fait que s’intensifier.

Parce que, pour de vrai, Kaelen n’a pas du tout bien vécu cette situation.
Parce que Kaelen s’était résolue à la solitude.
Et que Theodora à tout bousculé.

Parce que Kaelen à sa fierté.
Parce que Theodora à la sienne.

Alors Kaelen a eu le cœur brisé lorsque sa meilleure amie l’a simplement relayée au second rang. Parce que Kaelen savait que Shawn la briserait.

Est-ce que Kaelen en veut à Theodora ? Absolument.
Mais ça passe bien après ce que ce type lui a fait.

Alors Kaelen est venue ici avec Chris pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Pour qu’il ne s’en tire pas comme ça. Parce qu’elle pourrait dire sans aucune pitié « j’te l’avais bien dit » à sa meilleure amie. Mais parce qu’il n’avait pas le droit de la détruite impunément.

Et à cet instant précis, même l’humour sarcastique qu’elle usait depuis leur arrivée sur le site avait quitté son visage. Son regard s’était assombrit, de manière inquiétante. Parce qu’elle retourna la colère qu’elle avait contre Theo contre ce type.

C’était à cause de lui si elle s’était éloignée.
C’était à cause de lui si elle l’avait mise de côté.
C’était à cause de lui si elles étaient en froid.

Elle ne releva même pas la boutade de Chris, ignorant jusqu’à sa présence à ses côtés.
Elle avait chaussé pour l’occasion, une énorme paire de rangers au bout métallisé. Vous savez, ces chaussures de chantier dont le bout est renforcé par du métal pour éviter les accidents. Elle les avait héritées de son grand-père maternel.

« Tu mérites pas d’vivre, ducon. »

Elle lui balança sans sommation son poing dans la figure, le faisant tomber sur le côté, choqué.
Il ne s’était pas attendu à ce que le coup vienne d’elle, trop occupé à craindre le blond. Une fois l’homme à terre, elle lui balança sa chaussure dans les jambes. L’idée n’était pas de le tuer, bien qu’elle en mourrait d’envie, mais de lui faire assez mal pour qu’il ne recommence plus jamais. Sauf que la colère prenait peu à peu le pas sur la raison, laissant une Kaelen se déchaîner sur un Shawn qui se défendait plutôt bien. Si bien que la noiraude en eut la lèvre fendue et la pommette rougie.
Ce qui ne fit que renforcer encore plus sa rage.
Peut-être que finalement, elle allait le tuer.
A moins que Chris ne l'en empêche.

   J’l’ai déjà dit, mais je suis un putain d’enragé. Quand on me contrarie exprès ou qu’on marche sur mon territoire ou mes plates-bandes, je montre les crocs. Enfin ça, c’est en dernier recours. D’abord je grogne, je griffe le sol. Et ensuite seulement si ça ne suffit pas, je dévoile la pire partie de ma personnalité. J’suis même pas sûr que Benjamin la connaisse, celle-là. Il doit bien s’en doute, il est pas con non plus mon jumeau. On n’est pas  à ce point lié pour rien. Mais il n’a jamais fait de commentaire à ce sujet et je lui en suis reconnaissant.

En tous les cas, il va falloir que je calme la fauve, là. Je suis l’alpha, c’est ma responsabilité de faire en sorte qu’elle ne fasse pas tout foirer si près du but. Son commentaire m’avait déjà fait tiquer, car les notions de vie ou de mort, c’est pas à nous de juger. Mais de la voir se démener comme ça, ça a le don de m’agacer. Elle a rien compris. Elle veut finir avec tous les os brisés ou quoi ? Aucune stratégie. Désolant. Mais je la comprends. Et en soit, je crois que j’arrive à prendre du recul uniquement parce qu’elle est là avec moi. Et à quel point je vois qu’il est facile de glisser sur la mauvaise pente.

Je vais devoir la maîtriser. Elle doit se soumettre. Pas à moi, pas forcément. Mais aux lois de ce putain de monde de merde dans lequel on vit. C’est comme ça, y’a des règles, faut les appliquer, point. J’suis le premier à chercher comment les contourner – et d’ailleurs, c’est pas précisément ce qu’on fait, là ? – mais il faut aussi savoir où s’arrêter pour jouer malin. Ce qu’elle ne fait clairement pas, là.

Alors, je profite que Shawn me montre son angle mort pour le gratifier d’un coup de talon dans les côtes. Il chute sur le flan, se casse la gueule dans les buissons plein d’orties. Bien, ça le calmera un instant. Je reviens à ma Bêta. L’un de mes bras s’entoure autour de sa taille, bloquant ses bras vers le bas par la même occasion. J’ai de la force dans les biceps, heureusement. Mon autre main, elle, vient se placer sur les yeux de la bête déchainée. Première chose à faire pour calmer un animal sauvage : le confronter à l’obscurité. Ca apaise. C’est normal. Alors j’agis de la même manière.

  Et je souffle dans son oreille des phrases à mi-chemin entre le sermon et le conseil. « Calmes toi Kae. » Je reprends mon souffle, près à resserrer ma prise s’il le faut. J’suis paré. « T’as vraiment envie que Théodora et toi vous réconciliez derrière une des vitres de verre de la prison dans laquelle tu seras jeté si tu le tues ? Sois plus intelligente que ça, je t’en sais capable. » Sinon elle aurait jamais attiré mon attention comme ça.

Mon regard glisse alentour. Je vois des débris laissés là après de récents travaux. Y’a une chaise en plastique et de la corde de chantier. Ça me donne des idées.

(c) morphée/candide

Il a des choses qu’on ne contrôle pas sur l’instant T. Des choses qui sont indépendante de notre volonté, de notre caractère, de notre vie. C’est ce qu’expérimentait Kaelen à cet instant très précis. Elle était incapable de raisonner correctement. Parce qu’elle était elle.
Parce que Théo est l’une des personnes les plus importante de sa vie, malgré leurs querelles récentes.
Parce qu’elle sait que Chris sera là, aussi.

Malgré sa relation tumultueuse avec le Perrault, elle sait qu’il est digne de confiance et que, sur certain point, elle peut lui laisser les rennes les yeux fermés.

Et c’est probablement pour ça qu’elle se laisse aller aussi bien. Parce qu’il viendra l’arrêter. Elle le sait. Ce n’est pas très cool pour lui, il aurait probablement aussi voulu donner de sa personne. Mais il ne s’en prive pas. Elle le voit s’interposer avant qu’un voile noir ne se pose sur ses yeux. Elle se débat quelques secondes avant de s’arrêter, les paroles du blonds résonnants dans sa tête. Elle respire, doucement, plusieurs secondes, avant d’hocher la tête.

Il a raison.

Elle se défait de son emprise, calmée, chaussant de nouveau son visage habituel. Elle glisse un regard vers lui, à la fois penaude et boudeuse.

« Désolé, j’avais un besoin de de défouloir. »

Même si c’était plus que ça. Elle observe Shawn qui se débat dans les orties avant de parvenir de justesse à s’en tirer, sur ses deux jambes. Il est dans un sale état. Kaelen aussi.

Elle voit bien Chris jauger l’endroit et hausse un sourcil, les mains au fond des poches de son jean.

« A quoi tu penses ? »

   Blablabla, désolée gnagnagna, j’avais besoin d’un défouloir, gnagnagna. Qu’est-ce que je peux m’en battre les couilles de ses excuses. Je vois surtout qu’elle s’est gardé la meilleure part du gâteau, ouai. Egoïste, va. Le gars qui va se l’épouser aura intérêt à avoir des reins solides, c’est assuré. M’enfin, j’suis quand même un peu plus zen de la voir calmer. J’aurais dû passer à la vitesse supérieure si elle s’était débattue un peu trop et honnêtement ça m’aurait fait chier. J’aime pas usé de ce genre de choses sur les personnes que j’apprécie un minima. Elle a de la veine, c’est le cas. Mais d’abord, on recadre un peu les choses.

  « Rien à battre, si tu refais un caprice de gosse de quatre ans, t’auras droit au même traitement et t’ira au coin, c’est pigé ? » Comprendra ce qu’elle arrivera à comprendre, j’ai pas vocation à faire tous les sous-titres non plus. C’est Kaelen, pas une assistée, merde. Et puis bon, à mon tour de kiffer un peu. Je ramasse Shawn qui n’a plus l’air d’avoir toute sa tête. Je ricane. Faut dire qu’elle l’a pas loupé.

  Je l’assois sans douceur dans la chaise en plastique que j’ai redressé juste avant. Puis je me sers du cordage tout près pour l’y sanglé et éviter qu’il nous glisse entre les doigts. Ce sera plus commode comme ça et je commence à avoir la flemme, en fait. Je coule un regard à Kaelen « Tu veux savoir c’que je vais faire ? Va déjà me chercher de la flotte, peu importe où. Va falloir qu’on le réveille un peu le garçon si on veut pouvoir le cuisiner comme on veut. » T’as dérapé et tu t’es laissé aller ma grande, maintenant t’assumes.

(c) morphée/candide

Est-ce que Kaelen avait fait une erreur ? Oui. Mais, elle était comme ça, Kaelen. Impulsive. Elle frappait et après seulement, elle réfléchissait. Parce qu’on ne touchait pas impunément à sa famille. Et c’est ce qu’elle était, Theodora. Sa famille.

Est-ce qu’elle regrettait d’avoir fait cette erreur ? Non. Peut-être regrettait-elle seulement de ne plus avoir réussi à se contenir, d’avoir laisser Chris penser qu’il avait un ascendant sur elle. Mais elle ne regrettait pas la raclée qu’elle avait mis à ce minable.

Et ce qui la réjouissait encore plus, c’est que Chris n’en n’avait pas fini avec lui. La peur se lisait sans mal dans le fond des yeux de Shawn alors qu’il l’entrainait pour l’assoir dans la chaise.

« T’en fais pas, j’te laisse t’amuser maintenant. »

Lui répondre plus n’avait aucun intérêt, Kaelen n’approcherait plus du moins que rien. Parce qu’elle s’était défoulée, que ça allait mieux, et qu’il avait probablement compris. Et s’il n’avait pas compris, Chris allait se charger de lui rappeler une dernière fois comment marche la vie.

Et voilà que le blond lui donne des ordres. Un regard plus que blasé lui répond pourtant, Kaelen s’exécute. Parce qu’il n’a pas tort. Après, qu’a-t-il besoin de savoir de plus ? Il a abandonné Theo, c’est la seule chose qu’ils avaient besoin de savoir. Après avoir tourner un peu, elle repère un tuyau d’arrosage. Un sourire étire ses lèvres. Elle s’en empare et le ramène à Chris.

« Je suis à peu près sûre que ça suffira pour le tenir éveillé un moment. »

Un bon jet d’eau froide constant, c’était une jolie punition aussi.  

   M’amuser ? Elle est sérieuse, là ? M’amuser, putain. Elle en a de bonnes celle-là maintenant qu’elle a tué tout le fun de la situation. Putain d’égoïste, c’est pas une britannique pour rien, y’a pas à dire. Je lève les yeux au ciel, qu’elle comprenne le sens de ce geste ne m’intéresse pas non plus. J’ai autre chose à foutre, sincèrement. J’suis saoulé maintenant. En parti à cause de Shawn, en partie à cause de Kaelen. Et dire qu’il a fallu que je la babysit, en plus. Cette meuf, une vraie plaie. Outrageous jusqu’au bout des fibres, y’a pas à dire. Sans doute pour ça qu’on s’entend si bien.

  En attendant, Shawn, cette ordure, est bien sanglé sur sa putain de chaise. Je le vois qui me regarde, me défie de faire mieux. En vrai j’en sais rien de ce à quoi il pense, j’suis pas devin et ça m’intéresse pas ce qu’il peut y avoir dans sa caboche. Putain mais comment Theodora a pu se laisser allonger par cet enculé, au juste ? L’amour ça rend vraiment con, y’a pas à dire.

  Il se marre. Je réplique direct. Coup de pied retourné dans la mâchoire, ça calme direct. Et pour rehaussé le tout, une bonne douche glacée. On est pas à la période la plus chaude de l’année. Qu’il chope une pneumonie ce bâtard, c’est le minima. Je suis vénère de ouf. Ils m’énervent tous. TOUS. MAIS TOUS PUTAIN.

  Et là, un truc attire mon attention. « Kae, sers à quelque chose maintenant que t’es calmée. » Je désigne la chevalière que Shawn porte au pouce. « Tu prendrais combien pour ça, sur le marché parallèle ? » Parce que genre elle le savait pas.

(c) morphée/candide

Un regard sur Chris confirme à Kaelen qu’il est énervé. Probablement autant qu’elle. Elle se satisfait d’avoir craqué avant lui. Elle était peut-être débile, ridicule, gamine et tout ce qu’il voulait, au moins elle avait eu exactement ce qu’elle voulait. Et elle n’avait pas eu à attendre après les bonnes grâces de Monsieur Perrault.

Mais, pour le moment elle le laisse jouer. Les bras croisés, elle observe le petit jeu du blond.
Coup de pieds bien placé, on entend le craquement d’un os. Son nez peut-être ? Qu’importe. Le jet d’eau achève la douce torture que lui inflige son ami.

Et puis, il s’adresse à lui. Elle lève les yeux au ciel. Il va falloir qu’il se calme le Perrault, parce qu’être prise pour la dernière des imbéciles ça va pas lui plaire longtemps, à Kaelen. Elle approche tout de même de sa main et observe la bague.

« Quelques milliers de livres je pense. »

Je tire dessus et ça résiste un peu, un sourire étire ses lèvres.

« Tu crois qu’on peut lui couper le doigt pour la récupérer ? »

Le ton est décalé, comme si elle demandait une sucrerie. Preuve qu’elle n’ira pas jusque-là. Par contre, elle tire fort sur la bague qui vient, arrachant un peu de peau à son propriétaire au passage.

« Oups, désolée, je n’ai pas fait exprès. »

Elle lance la bague dans les airs, la rattrapant d’un geste maîtrisé.

« Et si on le laissait juste là ? Et qu’on allait retrouver quelqu’un de plus important ? »

Il allait bien attraper la mort, mouillé comme il l’était dans un froid d’automne.

   Ah. Un bon millier de livres ? Mais c’est parfait tout ça. Ça m’arrange. Et c’est suffisant pour un starter pack de femme enceinte, non ? Tout juste, je pense, mais au moins les premiers frais seront épanchés j’pense. Parfait parfait. Je vois qu’il veut pas trop me laisser approcher de sa bague. Mort de rire, le gars il a cru que je lui laissais le choix. Il est mignon. Je l’attrape par la mâchoire que je viens d’exploser avec mon talon façon savate française et je serre un peu. Ca le fait couiner. Tant mieux. J’crois bien qu’il a compris cette fois.

   Il desserre la main, je perds pas de temps pour retirer la chevalière de son pouce. « Oh, mais c’pas tes armoiries familiales que je vois là ? Ton père va faire la gueule quand il saura que tu l’as perdu… Pas vrai Kae ? » Je me marre. Ca fait très psychopathe, tout ça. Tant mieux. Une mise en scène cheap as fuck, ça lui convient bien à ce connard. Je m’étire ensuite et je baille. Mine de rien, ils m’épuisent tous ces mioches à corps adultes. « Ouai, allons retournez voir cette imbécile heureuse avant que je change d’avis sur la sentence de c’déchet. »

  Je tourne le dos à la scène et remonte vers Blenheim. J’échange pas un mot avec la brune pendant tout le trajet. Pas d’humeur. Puis elle a pris tout le fun. Egoïste va.
Finalement je rentre à Blenheim et je vais cogner à une porte que je connais bien maintenant. « Theo, ouvres espèce d’abrutie ! » Moi ? Délicatesse ? Après ce qu’elle a fait, plutôt me faire rouler dessus avec un char.

(c) morphée/candide

Brisée.
Pauvre petite imbécile, le corps échoué entre son lit et un mur, et le reste de la pièce dévasté.
Brisée.
Pauvre conne, gamine capricieuse qui avait fait tellement de mal ; qui récoltait juste ce qu'elle avait semé.
Brisée.
Détruite, cassée, abandonnée dans son coin d'ombres, dissimulée aux yeux du monde. Elle ne pleurait plus ; elle se demandait bien quand est-ce qu'elle y arriverait à nouveau. Ses sanglots avaient disparu, et maintenant ne restait plus qu'une coquille vide ; qu'une imbécile aux rêves brisés. Au cœur brisé. Et avec un bébé.
Elle était pas prête pour ça ; et encore moins en état. Elle en ferait quoi de c'mioche ? Elle pourrait jamais lui offrir une vie décente ; et en même temps, elle se sentait trop faible pour… pour avorter. Elle y avait pensé, pleins de fois - jusqu'à laisser la date limite passer, recroquevillée dans ses ombres, le regard vissé sur son ventre.
Elle y arrivait pas.
Parce qu'elle l'aimait déjà, c'était ça le problème ; il la noyait ce bébé, comme Shawn, comme son abandon, comme leur amour destructeur. Il la noyait ce bébé, parce qu'elle était déjà au fond du gouffre, et que le garder ne lui rendrait jamais service. Que le garder ce bébé, ce serait l'empoisonner.
Mais elle y arrivait pas.
Et même, peut-être, qu'elle voulait le garder. Sans Shawn ? Bordel elle en savait rien ! L'esprit trop embrumé, trop hébété, et le cœur charcuté, elle n'arrivait pas à formuler le moindre songe cohérent.
Elle fonçait droit dans le mur.
Toute seule.
Subitement elle ressentait le désir d'appeler Kaelen ; que Lou soit encore là ; de parler à Chris… Mais seul Dantes n'aurait pas envie de l'étriper ; les autres l'avaient soit abandonné, soit lâché prise face au cataclysme qu'elle devenait.
Mais même Dantes, elle avait pas le courage de le contacter. Alors qu'elle crevait, crevait d'être seule dans sa merde, de se noyer.
(Et Scarlett ? Oh ne parlons pas de Scarlett. Elle ne lui ferait jamais ça.)
Et le temps, ce truc informe et cynique, il défilait le temps ; et elle n'avait plus aucune prise sur lui, sur sa vie (petite idiote). Alors elle sursauta bien violemment quand on fit violence à sa porte ; sortie violemment de sa crise emo et de son coin d'ombre, à quatre pattes difficilement pour s'en décoincer, se redresser en chutant presque.
(Pourquoi n'avait-elle pas juste retiré ses appareils ? En plus elle saignait…)
Retirant tout aussi maladroitement un de ses appareils, elle s'affala presque sur la porte et tenta de l'ouvrir ; triste déchéance
elle était juste pitoyable.
« Theo, ouvres espèce d’abrutie ! »
Ah. Chris. Retour fracassant ; quelle surprise
(oui, elle l'était, surprise.)
« Ta gueule ! »
C'était sorti tout seul. Affalée contre la porte, elle inspira un bon coup, et avant qu'il ne s'acharne à nouveau sur cette pauvre porte, elle prit son courage à deux mains ; qu'il était difficile d'affronter les autres. La porte finalement s'ouvrit, et elle redressa le regard - la mine décomposée, livide, les cernes sous les yeux, les oreilles en sang et le poing serré sur ce petit objet providentiel. Elle aurait aimé que ce soit facile. Elle aurait aimé être forte. Sauf que ce n'était pas facile, et qu'elle n'était pas forte.
Et que Chris, il n'était pas seul.
Elle ne pensait pas pouvoir repleurer hein ? Pourtant elle sentit son regard briller et des sanglots se coincer dans sa gorge - une triste complainte, un pitoyable gémissement qu'elle étouffa promptement.
Forte et obstinée, elle aurait aimé l'être en cet instant - elle qui l'était tout le temps.
« …Chris, Kae. Bonjour ? »
Elle savait même plus quel moment de la journée il était.

Elle le sait Kaelen, qu’elle a merder.
Mais faut la comprendre.

Theodora était folle de ce type. Folle au point de rompre leur amitié comme si de rien n’était. Folle au point de s’isoler avec lui. De se laisser enfermée dans ses mots doux. Folle au point d’être piégée.

Est-ce que Kaelen pouvait reprocher à Theodora d’être tombée enceinte ? Ô grand Dieu non. Kaelen n’aurait jamais fait une chose pareille. Pas après ce qu’elle-même avait vécu. Et à ses yeux, Theodora était bien plus forte que ce qu’elle ne pouvait penser.

Elle le gardait.

Kaelen n’avait pas hésiter un seul instant à assassiner ce bébé. Même si à cet instant là il n’était pas encore réellement viable, elle l’avait étouffé dans l’œuf. Et Kaelen s’en voudrait toujours.
Elle en parlerait à Theo. Un jour. Lorsque ça ira mieux. Elle lui dirait à quel point elle la trouvait forte. A quel point elle la trouvait idiote aussi. Mais à quel point elle serait une mère parfaite. Parce qu’elle avait gardé ce bébé et qu’elle risquerait tout pour elle.

Elle avait suivi Chris sans vraiment se rendre compte de ce qu’elle faisait, à dire vrai. Parce qu’une fois devant la porte de la chambre de sa meilleure amie, Kaelen se senti bête. Elles étaient en froid. C’était étrange de se dire qu’elle allait se trouver là, presque comme si de rien n’était.

Parce qu’il y avait des relations qui parfois se passaient de mots. Et la leur était de celle-là. Les actions suffisent à faire comprendre des mots simples comme « je te pardonne », « excuse-moi ».

Alors, Kaelen laissa Chris hurler, les mains au fonds des poches de son jean. Elle regardait ailleurs, frilleuse quant à ce qui allait se passer. C’était toujours angoissant, un peu, ce genre de retrouvailles.

« Salut. »

Ici encore, un simple mot pouvait bien dire plus que ce qu’il ne voulait bien en dire.

« J’crois que Chris à un truc pour toi. »

Shawn n’était plus. Mais elle laisserait à Chris le plaisir de faire comprendre à la jeune femme qu’ils avaient fait en sorte que le père de ce bébé soi présent financièrement pour les premiers mois de sa vie. Et Kaelen aiderait avec son fric pour la suite, peu importe ce que sa meilleure amie déciderait. Ce serait un prêt s’il fallait mais elle ne la laisserait jamais dans le besoin.

   Faut pas croire, je suis toujours énervé, hein. Contre Shawn, cet enculé. Contre Kaelen aussi. Contre Théodora, l’idiote de service. Ouai. Contre le monde entier, ce serait plus simple comme ça. Mais au moins, voir Théo comme ça, ça me soulage. Ça veut dire que l’autre, il est plus là. Il est parti. Définitivement. Il nous emmerdera plus. Il se servira plus d’elle comme un vide-couilles. Parfait.

« T’as une putain d’sale gueule, t’es au courant au moins ? » Je pique, je suis comme ça. Tout vaut mieux que de se morfondre et si je peux l’asticoter comme ça et bien soit. Je ferais ça. En attendant, je suis là pour une raison précise. Je coule un regard vers Kaelen. Pas une remarque. Pas un mot. Pas tant que je suis là. Ca va bien de faire la miss qui gère tout et que rien n’atteint mais elle m’a sévèrement cassé les burnes à venir foutre son nez dans ma chasse sous prétexte qu’elle se croit tout permis parce que Théo était impliquée. Un jour faudra qu’elle se rende compte que le coup de la fille badass qui passe au-dessus de tout, c’est lassant. Mais bon, on est pas là pour parler de Kae, là.

Je tire de la poche de mon jean la chevalière de l’autre enfoiré et je la pose de force dans les mains de Théodora. Elle va la reconnaître, je pense. Est-ce qu’elle comprendra ce que ça veut dire ? Peut-être. J’en sais rien. C’est pas mon problème. C’est plus mon problème. « Shawn nous a demandé de te faire parvenir ça pour soutenir la naissance du bébé et les premiers mois. Ça se vend bien sur le marché. Noir ou pas, d’ailleurs. »

Mais le mieux serait encore qu’elle passe par des voies détournées, ça rapporterait plus cher à son portefeuille. Au plus elle aura de thune, au mieux elle se portera. Et son p’tit aussi.

Je pivote juste après. J’ai plus rien à foutre ici, moi. Je regarde Kaelen une dernière fois. Pas un mot. Et je m’en vais. J’ai suffisamment vues leurs tronches d’imbéciles pour le prochain mois à venir. Elles m’ont saoulé, l’une comme l’autre. Mais bon, au mois l’autre connard est hors service. C’est déjà ça. J’ai bien mérité mes cinq clopes d’affilée.

(c) morphée/candide