Holy fuck, ça casse les couilles là.

Depuis que je me suis fait virée de Blenheim, il faut bien que je trouve comment me débrouiller. Enfin, ça m’emmerde pas de pas avoir fini mon cursus là-bas –même si pour ma survie il vaut mieux que Mam’s ne l’apprenne pas pour le moment, surtout qu’à trois mois près j’aurais peut-être pu l’avoir ce foutu diplôme. Non, en vrai ce qui me galère plus c’est de pas savoir quoi faire maintenant. Faut que j’me trouve un endroit où crécher, au moins le temps de me retourner. Et un boulot. Surtout. Ouai voilà c’est ça le plus important. Un boulot. Pour être enfin indépendante et ne reposer que sur moi et moi seule.

Aller c’est parti, je vais faire le tour des potentiels endroits qui m’ont tapé dans l’œil. Et ceux qui ne l’ont pas fait aussi. Faut pas croire, je suis pas la dernière des conne non plus. Je sais ce que je vaux. Et je sais que je ne peux pas vraiment perdre mon temps à faire des caprices ou des sélections à la con. Il me faut un taff, point. Je vais pas faire ma difficile et je prendrais c’qui passe, point barre. J’aurai le temps de me plaindre plus tard, pour l’instant faut que je survive, ce sera déjà bien.

Le tuc c’est que j’ai beau écumer les endroits où on recherche potentiellement, ça mène à rien. Bon ok j’ai pas une tenue très adéquate pour me faire embaucher – un mini short en jean déchiré, mon collant épais et mon manteau style motard font pas très ‘pro’ pour la norme commune, j’avoue – mais merde, c’est relou au bout d’un moment. Le carton que j’ai à bout de bras pour me déplacer – et qui contient le peu d’affaires que j’ai encore – est pas hyper léger. C’est relou putain.

Je finis par entrer au culot dans un garage. « Salut, y’a quelqu’un ? » Et je m’annonce. Normal.

Le mois d’avril c’est un mois chargé autant ici que sur les pistes de courses. On a plusieurs gros rally qui arrivent et aussi pas mal de clients qui commencent a penser a leurs vacances qui approchent et viennent faire des révisions sur leurs caisses. Perso, ça m’arrange, on s’ennui jamais comme ça puis c’est toujours drôle de voir Silver ne plus savoir ou donner la tête avec toute la paperasse à remplir.

Et aujourd’hui je me retrouve seule au garage. Silver doit faire un tour à Londres pour y faire je ne sais quoi avec je ne sais qui, un “ travail de grande importance “ de ce que j’ai compris. Ca me gène pas, j’ai juste une voiture qui demarre plus sur le dos et des révisions bateau a faire.

Ca devait faire même pas deux heures de boulot quand j’ai entendu quelqu’un passer la porte d’entrée. J’étais pas sûre d’avoir bien entendu mais je crie quand même un “Patientez quelques secondes, j’arrive !” histoire de faire bonne mesure. Je lâche mes instruments sur le côté,  remonte mes lunettes, frotte mes gants pleins d’huile sur mon bleu et me retourne enfin. Je suis saluée par une nouvelle tête, ça faisait longtemps que j’en avais plus vu. J’affiche un sourire poli lorsque je prend la parole.

-Bonjour, qu’est-ce que je peut faire pour toi ?

Ah bah super, enfin une forme de vie. Une femme, en plus. Dans un garage. Ok, elle vient d’office d’entrer ans mon top 10 des meufs les plus stylées du secteur. Parfait. Mais bon, j’suis pas là non plus pour lui taper la causette mais pour me chercher un boulot. Et comme j’ai plus aucune patience ni envie d’être spécifiquement professionnelle, je vais y aller direct, droit au but. Tant pis si ça ne plait pas. J’aime à penser que vu qu’on joue dans la même team, ça passera mais au fond, on sait jamais. Je peux me planter. Mais tant pis si c’est le cas.

« Salut. J’vais être directe, je cherche du boulot et j’ai nulle part où loger pour l’instant, du coup euh… Vous cherchez de la main d’œuvres, ou pas ? Je peux apprendre n’importe quoi, c’est pas un souci. »

Bon sauf me prostituer, ça c’est hors de question. Mais bon la bonne femme a pas l’air d’être une proxénète donc ça devrait bien se passer, non ?

Je vais espérer très fort que ma tenue ne la gêne pas – de trop – maintenant. Et puis dans le pire des cas je pourrais toujours voir si je peux me changer. Je pose mon carton à mes pieds et me masse l’épaule. Putain porter ce poids mort c’est infernal.

Ok, alors, ouais. Je m’attendais pas trop à ça, j’avoue, j’avoue. Alors je la dévisage un instant, pas par méchanceté mais plus pour essayer de voir s’il s’agit d’une blague ou non puis je me ravive.

- Eh bien, en effet, avoir une paire de bras en plus ne serait pas de refus. Tu as un peu d'expérience ou pas du tout ? J’imagine que c’est pour commencer le plus rapidement possible, n’est-ce pas ?

Elle me semble plutôt robuste et ça déjà c’est un bon point, après je ne supporte pas juger sur les apparences donc ça sera à confirmer sur une période d’essais. Ah merde, j’oubliais presque que maintenant c’est moi l’adulte pro et j’dois être un peu responsable dans ce genre de cas.

- T’as quel âge ? J’vais pas te demander comment tu t’es retrouvée dans cette situation ni rien mais ça m’embeterais si t'étais pas majeure, tu vois ?

Je croise les bras, je m’en fout si Silver pète un câble suite à ma décision ou quoi mais j’ai pas envie d’avoir de merdes avec la police, quoi. Je jette un coup d’oeil à son carton, déduisant facilement qu’il s’agissait là de ses seules possessions. Hum, je me demande combien ça coûte une chambre d'hôtel dans l’coin.

Bon, ça m’gonfle un peu beaucoup c’t’histoire mais en même temps j’peux pas lui en vouloir d’assurer ses arrières. Après tout, c’un beau garage, qu’elle a. Normal qu’elle veuille être sélec’ avec ceux qui y foutent les pieds. C’est cohérent et ça a une certaine logique. Je marche dedans, pas de problème.

« Non j’ai jamais eu l’occaz de taffer avant. Et oui j’suis majeure vous en fait pas. De toute manière mes parents ont foutus l’camp de ma vie depuis suffisamment longtemps pour n’avoir plus le droit d’avoir ne serait-ce qu’un avis de comment je la mène maintenant. Qu’on se le dise de suite. Je cherche un boulot immédiat, histoire de pas crécher dehors parce que bon, je connais personne ici et j’ai nulle part où aller. Donc si au moins j’pouvais me dégoter un taff pour me payer à bouffer, j’dis pas non. »

Chaque chose en son temps, faut pas que je sois trop gourmande non plus. Déjà si j’pouvais éviter de faire fuir l’option la plus prometteuse que j’ai depuis ce matin, ce serait sympa. Vraiment sympa. Vraiment super sympa, même.

« Je peux apprendre tant qu’on me montre comment m’y prendre. Après, je suis pas une faignasse et si un truc vous plait pas, vous pouvez m’le dire cash, pour que je rectifie le tir, je le prendrais pas mal et j’irais pas pleurer dans les jupes de ma tutrice. »

Ah oui, faut pas que Mam’s apprenne que j’me suis faite virer. Surtout pas.