Bien bien bien. C’était donc à son tour de se prêter au jeu de cette idée de speed dating mieux mené que ce que le nom aurait pu laisser présager. En compagnie de l’une de ses élèves, Benjamin laissa ses deux mains rejoindre son dos, marchant d’une allure de croisière tout en regardant le plafond. Les moulures de cette salle de bal étaient sublimes.

« Alors… Catrio…ona, c’est bien cela ? Je n’écorche pas trop ton nom, j’espère ? »

Il rit avant de reprendre. « Quel est donc ton rêve, jeune fille ? Si cela t’arrange, je peux me dévoiler en premier mais j’ai toujours été éduqué avec des principes de galanterie, alors… » Un sourire aux lèvres, il attendait patiemment.

Cette jeune fille avait du potentiel, en plus d’être d’agréable compagnie. Benjamin l’écoutait très attentivement parler de ses rêves, de ses envies. Etudier en France, hum ? Il ne put taire une proposition qui lui était alors venue subitement. « C’est très honorable de ta part et je suis certain que tu réussiras tout tes projets. J’en ai l’absolue confiance. »

Puis, après un nouveau sourire, il enchaîna. « Si tu le souhaites, je connais un bon pâtissier à Paris. Il tient une branche de boutiques plutôt connu. Pierre Hermé, est-ce que ça te parle ? » Il connaissait son fils, qui avait presque le même âge que lui. Benjamin gardait un très bon souvenir de ce dernier.

Et avant même qu’il ne ferme la bouche, une autre idée lui vint. « Dis-moi, Caitriona… Tu sais faire les pièces montées ? » Un peu de culot dans la vie rendait les opportunités encore plus alléchantes.

La conversation évoluait à mesure que les minutes passait et Benjamin n’aurait pu être davantage satisfait de cela. Car même s’il avait pris ses fonctions de professeur cette année pour la toute première fois, il souhaitait avant tout rester un repère pour les élèves qui en aurait besoin. Et si cet exercice pouvait l’y aider, pourquoi pas ? Etablir un lien de confiance entre élèves et professeurs était essentiel, peu importe comment – tant que cela restait politiquement correct bien sûr. Il sourit à la réponse première de Caitriona.

« Je pourrais te recommander à son fils, si jamais l’envie t’en dit. Après tout, je n’ai jamais goûté à tes créations mais je suis certain qu’elles sont délicieuses ! Et parlant de cela… Je cherche aussi une personne qui saurait réaliser une pièce montée de mariage… Pour moi. » Il n’en dit pas plus que nécessaire dans un premier temps. Chaque minute compte ; et il faut respecter les questions posées.

« Mon rêve serait de devenir auteur reconnu. » Simple. Clair. Précis.

Il n’osa en ajouter davantage sur son idée de pièce montée. « Tu ne devrais pas te dévaloriser autant, n’oublie pas pourquoi tu es là, après tout. » Blenheim savait repérer le talent après tout, non ? Il n’ajouta rien de plus non plus suite à sa proposition, restant silencieux. Il essayerait de contacter la personne concernée la prochaine fois qu’il aurait le temps de se poser – ou qu’il retournerait en France, contrée tant aimée du blond.

Vint ensuite la question du métier que l’on ne voudrait exercer. Hum. Benjamin n’y avait pas vraiment réfléchi, aussi prit-il la première chose qui lui passa par la tête, entonnant un salut militaire. « J’imagine que ce ne devrait pas être trop difficile à deviner, pour le coup j’ai quelque peu manqué d’imagination. ». Il s’attela ensuite à essayer de deviner le mime de Caitriona. « Euh… Agent de bureau ? » Un métier honorable, comme tous les métiers. Mais il comprenait bien que tout le monde ne puisse adhérer à ces attentes-ci.

Il y avait une facilité à la discussion avec Caitriona qui demeurait être très agréable au français. Il songea à la possibilité de pouvoir se donner des disponibilités de ce genre, par la suite, dans le cas où certains élèves souhaiteraient le consulter à propos de tel ou tel chose qui serait à même de les tracasser. Difficile à dire si la mise en place d’une pareille logistique serait faisable, mais Benjamin se promit d’aller en toucher deux mots au Directeur. Après tout que restait-il ?

Il fut surprit de trouver écho au cœur de la peur de la jeune femme. « Je te comprends très bien. Moi aussi, si je venais à perdre mon imagination… Non, en réalité c’est une chose que je ne veux même pas imaginer. » Lâche, peut-être un peu, mais le but de cette activité n’était pas de creuser l’esprit humain, après tout. « Question suivante : Comment vous voyez-vous dans dix ans ? Hum… Question un peu rhétorique. Pour ma part, avoir au moins un livre publié serait déjà un objectif satisfaisant, je pense. »

C’était une question à la fois floue et très profonde. Dix ans… Dans une vie cela paraît à la fois très court et très long. Comment e projeter autant dans une dimension si incertaine que le futur ? Benjamin comprenait bien l’hésitation de la jeune femme. Pour éviter de la mettre mal à l’aise avec une insistance mal venue, il passa donc à la dernière question. « Et donc… Ta matière favorite, à Blenheim ? »

Il n’attendait pas que ce soir la sienne qui sorte, bien sûr. Chacun avait des goûts différents et là était la beauté de la chose. « Me concernant, j’adorais la littérature lorsque j’étais élève ici. Mais j’imagine que ce n’est en rien quelque chose d’étonnant. Je suis un peu cliché…Ahah ! »