Il venait de terminer sa séance de voltige avec ses oiseaux et maintenant il devait les laisser se reposer. Mais cela ne signifiait pas pour autant que Chester en avait terminé avec sa journée de boulot. Loin de là. Alors, son travail à faire bien en tête, le Montugen se dirigea vers l’extérieur, de nouveau. Il s’était changé et était fin apprêté pour s’occuper des cultures du Palais de Blenheim.

L’endroit était immense et même si Chester n’était pas du genre à se laisser impressionner, il reconnaissait au moins sa largeur et avoir tant d’espace à disposition était très plaisant. L’homme n’avait jamais apprécié la ville et les bâtiments engoncés dans le béton trop longtemps. C’était donc un très bon compromis que voici.

Seulement, alors qu’il allait faire une tour d’horizon aux alentours du bâtiment, quelle ne fut pas sa surprise de voir émerger un postérieur de l’un des buissons dont il s’était occupé quelque jour auparavant. Une nouvelle espèce animale ? Certainement pas. Une bien connue cependant, oui. La fouineuse. « Dis donc jeune fille, il serait de bon goût que tu ne t’acharnes pas à détruire le travail d’autrui avec une telle ferveur. »

Les bras croisés sur son torse, il attendait maintenant de voir les réactions de l’accusée.

Pour un peu, il se serait presque pincé l’arcade sourcilière puis aurait levé son menton vers le ciel le tout en fermant les yeux, à la manière d’un dramaturge à la fine tenue théâtral. Mais Chester n’en fit rien, finalement.

Trop occupé à se demander ce qu’il allait faire de cette gamine – lui coller des heures de colles jusqu’à sa majorité ou la jeter dans le lac le plus proche ? – il comprit que la discussion risquait de ne pas mener loin, avec elle. Tant mieux d’un côté, il avait déjà suffisamment perdu de temps comme ça à son goût pour des fadaises. « Je ne sais pas où tu pourras trouver des chenilles et honnêtement je m’en fiche. Laisses les un peu tranquille elles aussi, tu crois vraiment qu’elles ont vocation à faire partie d’une sinistre collection ? Ça te plairait, toi, qu’on te garde comme ça, en cage ? »

En bocal aurait sans doute été plus parlant et plus correct, mais Chester n’était plus à un petit glissement près. Et d’ailleurs, il n’en avait pas fini avec cette mioche qui se croyait tout permis. « Nom, prénom, classe et que ça saute. On verra si le dirlo sera du même avis que moi te concernant. » En vérité, il n savait pas encore s’il allait mettre sa pseudo-menace à exécution, mais le fait était que si ça pouvait au moins la faire réagir un peu, tant mieux.

Tout chez cette maudite gosse l’agaçait. Non mais elle se prenait pour qui, exactement, à argumenter, déjà ? On ne lui a jamais dit que quand un adulte et une figure d’autorité dans le sein d’un établissement scolaire te dit un truc, il fallait obéir et point ? Enfin, dans le cadre respectueux de la loi, bien sûr. Présentement, Chester était donc dans son bon droit, aussi roula-t-il des yeux avant de se pincer vigoureusement l’arête du nez. Il paraissait qu’ainsi, les soucis semblaient moins graves à mesure que l’on appuyait.

… Eh bah Chester ne devait sans doute pas appuyer avec fort, alors. Peu importait dans le fond. Il soupira et planta son regard blasé dans celui de l’adolescente. « Dis donc, c’est une manie, pour toi, de trouver toujours à redire sur ce que les autres peuvent te dire de faire ? »

Puis il osa une œillade furtive vers les chenilles présentement prisonnières de la demoiselle. « Et le principe de ‘laisser faire la Nature’, ça non plus ça ne te dit rien, j’imagine ? » Non parce que bon, c’était tout sauf de la sélection naturelle ce qu’elle faisait la demoiselle. Et en général quand on aime la nature, on évite de lui mettre des bâtons dans les roues.

Ok, Chester avait du mal avec les mômes en temps normal, mais celle-là, elle pulvérisait tous les records. Non seulement elle était casse-pieds mais en plus elle ne lâchait pas le morceau. La patience du Montugen commençait sérieusement à être entamée et il sentait qu’à la prochaine pirouette de la demoiselle, il l’enverrait dans le bureau du directeur pour destruction de biens appartenant au Palais. Elle rigolerait moins devant le dirlo – et au moins Chester aurait la paix.

« Sauf que ton raisonnement est biaisé, jeune fille. Si une espèce est vouée à disparaitre, c’est ainsi, c’est la nature et personne n’y peut rien. En perturbant l’équilibre de tout ça, tu pourrais déclencher une réaction en chaîne sur d’autres espèces qui elles, n’ont rien demandées et pourraient peut-être survivre un peu plus longtemps sans ton intervention de marraine la bonne fée qui croit tout savoir mais qui fait tout foirer. » Il était dur dans ses propos mais bon, apparemment, c’était comme ça ou rien avec les ados, maintenant.