Oula.
Oulala.
Le monde n'est pas très droit ce matin. Enfin, il n'est jamais très droit le vendredi matin pour Huan de toute façon.
Il était pété. Complètement pété même.
Il ne savait pas trop qu'elle heure, il était, mais vu ces expériences précédentes, il dirait aux alentours de six heures, l'heure a laquelle les bar et boîte ferme, mettant dehors tout les fêtards de la nuit, comme notre professeur très pas professionnel.
Ah, ça, il devait avoir fière allure, avec son jean troué aux genoux, son débardeur dos nus qu'il n'avait totalement pas acheté au rayon homme et son long manteau qui pendait lâchement de ses épaules, prêt à tomber comme la loque ambulante puant l'alcool qu'il était. Même ses cheveux avaient réussis à être plus en bataille que d'habitude et il était certain d'avoir perdu une boucle d'oreille, mais bon, ce n'est pas bien grave.
Il était habitué.
Il n'avait pas honte.
Il le referait la semaine prochaine. Ou ce soir. Vu que le week-end arrive. Chin ne serait sûrement pas très content.
« ...vous que je vous escorte hors de l’enceinte du palais ? Je ne pense pas que vous soyez au bon endroit. » Hein ? Quoi ?
« Qué ? » Huan plissa les yeux, se concentrant sur son interlocutrice qu'il n'avait pas remarqué, ah bah bravo. Oh. Cassandra ? Elle faisait quoi ici ? Il leva la tête et regarda autour de lui, perplexe. Ah. Ah oui. Il n'habitait pas là. Plus depuis septembre.
« Ooooooh, c'vrai ça. M'suis troompé. Habituuude, cimer Cassie ! » Mettre une tape dans le dos à une de ses élèves en étant même pas encore dans la phase gueule de bois, fait. « T'es vraiment d'sortie tôt toi, t'fait la fête ? » Yeah but no. Huan. Stop that. U idiot.

Oh, il est peut-être espagnol, pensa Cassie lorsque son interlocuteur daigna enfin lui répondre par le pronom interrogatif qué. Elle réfléchit l’espace de quelques secondes, puis poussa un bref soupir. Elle ne connaissait pas suffisamment la langue pour lui répondre correctement. C’est alors que l’inconnu se décida à répondre dans une langue plus intelligible par la demoiselle, mais tout de même grossière à ses yeux.

“Ci...mer ? Attendez, comment connaissez-vous mon nom, on se connait ? Habitude ? Vous êtes un stalker c’est ça ?!” s’exclama-t-elle en reculant d’un pas. Du calme, Cassie, il n’a pas l’air si dangereux que ça. Fou, peut-être, mais dangereux ? Non, ça va. Et puis, s’il avait voulu enlever un élève et demander une rançon, il l’aurait déjà fait depuis le temps.

“Hum, non, je ne fais pas la fête. Mais vous devriez aller faire la fête ailleurs, vous. Vous n’êtes pas autorisé dans l’enceinte de l’établissement. Et puis vous faites quoi ici, je peux savoir ?”
Elle commençait à s’énerver la petite demoiselle. De une, il l’ignorait. De deux, il se montrait bien trop vulgaire et familier envers elle. De trois, il la touchait amicalement. Oh non, cette fois-ci, il dépassait les bornes. La main dans sa poche, Cassie était prête à dégainer son téléphone pour appeler à l’aide. Il y avait bien quelqu’un de réveillé dans ce palais ! Quelqu’un pour lui porter secours ! A moins qu’elle ne fasse appel à la police, en dernier recours.

Oulà, hey, un peu moins vite, elle parle trop la miss là. Il est pas assez sobre pour ces conneries hein.
Pourquoi elle recule en plus ? Il lui fait peur ? Incroyable. C'est rare ! Quel succès. Il va carrément devoir raconter ça sur son twitter.
Il plisse les yeux, essayant de forcer le monde a ne plus onduler bizarrement, focus focus. Aww, elle fait pas la fête, c'est triste ! Quelle jeunesse désespérante, pas de cuite, que des bonnes notes, sad shit.
Ddbde quoi ? Elle le reconnaît pas ? Ooooh, oh non, elle doit jouer à un jeu ! C'est ça ! C'est du, euh, comment on dit déjà ? Roleplay ? Un truc du genre, il a vu ça sur internet, avec des gens autour d'une table et des dès. Mais ils ont pas de dès eux, étrange. Pas envie de jouer maintenant en plus.

« Heeeee ? C'ment ça, j'suis pas autro-autorisé ? J'bosse ici. C'ment être classe en s'ciété c'moi. Q-quoi ? T'veux des courts supp' c'ça ? Aight quand t'veux. » Eeeeeet le mur se casse la gueule !
Ah non, pas le mur, Huan. Huan se casse la gueule. Mmmmh, sol. « grblll »

Non mais pour qui elle se prenait la princesse barbe à papa ? Se redresser ? Il était parfaitement droit ! À terre, certes, mais allongé droit comme un piquet ! Oh attends, il peut pas parler bien face contre terre comme ça.
« 'k, 'ttend un peu, mmhf.. » Tant bien que mal, prenant appui et s'agrippant presque avec ses ongles au mur, Huan réussis a se relever plus où moins, souriant de son triomphe et toisant la demoiselle comme s'il venait de relever un défi particulièrement coriace.
Elle jouait toujours son jeu de ne pas savoir qui il était par contre, étrange vraiment, miss Raudrowl ne lui avait jamais sembler être le genre à faire des scènes comme ça. Pourquoi pas hein, si ça l'amusait, tant mieux, c'est bien de s'amuser !
« H'an Levinskyyy bien le bienbonjour mdrrrr. T'vas appeler qui ? Forester ? J'ai son num s'tu veux. » Hein ?
Bon je laisse tomber, même moi je comprend pas le cheminement de pensée de ce type. Whatever Huan, fait ce que tu veux. « Et j'suis super descent j'te f'rais dire. À donf'. C'mon deuxième pr'nom. Ah nan 'ttend c'Glandu mon deuxième. Parait qu'ça veut dire un truc en français mais ch'sais pas quoi rip. » ...je me casse!

Q-quoi ?
C’est avec beaucoup d’hésitation que Cassie regarda l’inconnu se redresser. Difficilement. Ouch, ça avait l’air pénible. La demoiselle était à deux doigts de grimacer pour lui tant sa peine semblait immense. Mais elle changea vite d’avis lorsqu’il se mit à la défier du regard après avoir réussi l’exploit de se mettre debout. Elle lui jeta un regard ironique.

“Félicitations. Quel talent. J’ai bien failli appeler la maréchaussée pour qu’ils viennent vous aider à vous tenir droit sans tomber.” dit-elle en passant une main dans ses cheveux rapidement. Elle était désormais certaine qu’elle n’aurait rien à craindre de ce… type. Mais, vigilante, elle avait gardé la main sur son téléphone, prête à passer à l’action. Mais c’était beaucoup trop priceless. Plutôt que d’en faire profiter une seule personne, autant partager le plus possible. Et hop.

recording

“Vous avez le numéro du directeur ? Comment peut-il côtoyer un clochard comme vous ? A moins que vous ne l’ayez agressé auparavant ?”

Qu’est-ce que… Il n’a visiblement pas toute sa tête. Il se fait passer pour M. Levinsky mais il est incapable de donner son véritable prénom. Preuve qu’il s’agit d’une fraude. Mais tout de même.

“C’est vrai que vous ressemblez au professeur. Vous êtes de la même famille ?”
Et voilà. Par curiosité, Cassie tape la discute avec un ivrogne. On n’étanche jamais sa soif de savoir, de potins ou de ragots.

Waouh ! Il avait été félicité ! Ça existe encore la maréchaussée par contre ? Dingue.
« Vous avez le numéro du directeur ? Comment peut-il côtoyer un clochard comme vous ? À moins que vous ne l’ayez agressé auparavant ? »
Euh bah, ok ici, le respect est mort. Un clochard, non mais oh, lui ? C'est insultant peux les sdf... ...Attends merde, il s'est défendu à l'envers-là. Oh well.
« J'agresse pas les gens wesh, t'm'en pour qui. S'rieux, j'ai l'air d'avoir assez d'force pour ça ? T'me pousse je tombe ptdrrr ! » Huan est hilare, apparemment, l'image de lui, menaçant quelqu'un de lui donner son numéro de téléphone armée de ses deux poings en mousse le faisait beaucoup, beaucoup rire. Faut dire, c'était pas très crédible.

« Aaaah, la famille. C'beau la famille. » Presque. « Ouaiiiis, c'ça, on est d'la même famille. » Ses yeux s'illuminent, il prend une pause supposé 'cool', coude contre le mur, main qui pousse arrière ses cheveux, vogue. « J'suis son jumeau, ça s'voit pas ? L'meilleur des deux, l'plus bg. L'diabolique agrougrouh ! » Et il repart dans une autre crise de rire. AHAHA, tu es tellement hilarant Levinsky.
Sarcasme.

Cassie laissa échapper un petit rire ; l’hilarité du (jeune ?) homme était contagieuse. Elle se fit la remarque, intérieurement, que vu l’état actuel de son interlocuteur, même elle pourrait avoir le dessus s’il fallait en venir aux mains.

“C’est vrai que vous n’avez pas l’air très frais. Ni très dangereux. Mais vous comprenez, il faut toujours se méfier, à notre époque.” répondit-elle, persuadée qu’il n’entendrait même pas un mot sur deux de ce qu’elle disait. Enfin. Elle patienta quelques instants que ce fameux fou rire se calme. Peine perdue. Il se mit à poser comme dans un magasine. Cassie leva les yeux au ciel.
“C’est… Très crédible. Vous permettez que je prenne une photo ?” et sans même attendre de réponse, elle dégaina son portable et prit une dizaine de clichés en mode rafale. Il y en aurait bien une dans le lot qui serait potable.

“Vous êtes le frère de M. Levinsky, donc. Vous auriez beaucoup à apprendre de lui. Vous êtes dans un état lamentable, mon pauvre.” soupira-t-elle. “Vous habitez ici ? Comment ça se fait qu’on ne vous a jamais vu ?”

Yayyyyy ! Un photoshoot ! Il aurait su, il se serait mieux maquiller. Enfin, tant pis. Son charme naturel devra faire l'affaire il imagine... ...L'alcool lui donne décidément trop la confiance.
En attendant, il continue de jouer le jeu, c'est plus amusant qu'il aurait cru !
« Apprendre d'lui ? Mais moi aussi, j'sais lever le p'tit doigts quand j'bois mon café. » Il fait le geste pour accompagner ses paroles. Exagérant nettement l'expression prout prout d'une caricature.
« T'm'a jamais vu, par'c'que... Ohmgl... » Monsieur le Jumeau maléfique met sa main devant sa bouche. Il a eu un haut-le-cœur d'un coup. C'est acide et amer. Dégueulasse. Il se sent un peu mal d'un coup. Un peu, vert. Mais il peut pas abandonné maintenant !
« Pas'que, j'sors d'prison. J'y étais 'cause que j'me suis fait pécho à faire d'trafic. Ofc. » Ofc. Il fait un sourire des plus menaçant à Cassandra, et vu ces cernes et son teint affreux, ça fait honnêtement glauque. « Et bon, parfois, t'dois te salir un ptit peu plus l'mains dans c'business hinhinhin. » Liar.

Cassie étouffe un rire. C’est vrai que l’air pète-sec, il sait y faire. Dire qu’elle aussi devait faire cette tête quelques fois, elle en aurait presque honte en le voyant grimacer hideusement de la sorte.
Et puis le haut-le-coeur arrive. Cassie recule d’un pas.

“Oups… Ca va ? Vous voulez que j’appelle votre frère ?”

Cassie proposait d’appeler un proche, parce qu’il était absolument hors de question qu’elle l’approche d’elle-même, ou qu’elle le touche, vu son état. Trop dégoûtant. Et en même temps, heureusement qu’elle avait fait un pas en arrière au vu de ce qu’il s’était mis à dégobiller verbalement. De nouveau méfiante, la demoiselle l’observa, un rictus nerveux sur le visage.

“Je… J’ignore si vous êtes sérieux, mais c’est très grave. Vous risquez d’être fiché, et on peut même prendre une injonction d’éloignement contre vous. Et puis quel business, d’abord ?” demanda-t-elle en croisant les bras, sur la défensive. C’était quoi, un mafieux ? Un trafiquant de drogues ? D’organes ? Brrr, elle en avait la chair de poule rien que d’y penser.

Damn, il aurait jamais cru être aussi bon en baratin même en étant complètement bourré et malade. Devrait-il devenir acteur ? Le nouveau George Clooney ? À choisir, il préférerait devenir la nouvelle Bette Davis, mais bon.
En attendant, il a fait peur à quelqu'un et s'il était vraiment un adulte responsable sobre, il n'en serait pas fier.
Dommage, il ne l'est pas.
« Haha ! J'touche-à-tout, mais surtout la drogue. Plus maint'nant. J'ai d'autres trucs à faire.  » Oui parce que ça va bien deux minutes de jouer les baron.
Son estomac se retourne encore une fois, il a la présence d'esprit de tourner le dos à Cassie au moins.
« Uuuuuh...J'vais dégueuler...  » And he did. Les larmes au yeux et un peu honteux, parce qu'honnêtement, ça lui était pas arrivé depuis longtemps, il tient trop bien.
Peut-être que c'est le karma.
Ouais sûrement.

Ouf, c’est juste de la drogue. Pendant quelques instants, elle avait eu peur que ce soit quelque chose d’encore plus répréhensible par la loi, comme du trafic d’esclaves, d’enfants, d’organes, etc. Au moins, elle avait la présence d’esprit de ne pas jouer avec ce genre de substances. Et il semblait bien trop affaibli pour la forcer à en consommer de toute façon.

Tellement affaibli qu’il se mit à vomir. Pas très propre. Cassie laissa échapper un gémissement dégoûté, en remerciant intérieurement cet inconnu pour s’être retourné, et ainsi lui cacher la vue.

“Vous enchaînez les problèmes, vous. Vous vomissez peut-être à cause de toutes les substances illicites que vous avez consommé. Mais je ne vais pas vous expliquer pourquoi la drogue c’est mal, vous devez sûrement déjà le savoir.” ânonna-t-elle fièrement. Puis, hésitante, elle approcha sa main de l’inconnu, et prit une inspiration. Au pire elle se laverait les mains après. “Allez, allez, ça va bien se passer. Ca va mieux ? J’ai de l’eau si vous voulez vous débarrasser du goût.” lui proposa-t-elle tout en lui frottant le dos.

Beeeeeeeeeeeh, c'est dégueulaaaaasse ! Ptn, c'est ça quand on ne mange pas en consommant ! Les cacahuètes c'était pas suffisant ! Et puis il devrait savoir de jamais manger celles dans les bols sur le comptoir ! Au secours ! Il avait besoin d'une pizza ! A la sauce olives avec des ananas et des nounours en gélatine dessus !
Argh ! POURQUOI TANT DE HAINE ! Ah.
« Merci Cassie, t'es gentille orz. » Dire orz a voix haute, check.
Il s'appuie dos au mur, il doit avoir le teint verdâtre et des cernes de trois kilomètres. Son phone vibre, un message de son cher coloc, bah tient. Il y répond avec un sourire tout en parlant, pardon, tout en mythonant a Cassandra.
« T'sais, les dealers ça prend pas d'drogue. Ça la vend juste. Mon état, c'juste le résultat de bcp de Mojito, de scotch, de vodka, de gin et de sake -le naratteur n'a pas honte de cette référence- et jsp autre chose qu'j'ai oublié. C'était bleu. Un autre orange. Haha. Couleuuuurrrr... » Et il repart dans un délire.

Cassie cligna des yeux lorsqu’il se mit à faire une liste délirante de noms d’alcools. Allons bon. Était-elle censée connaître la différence ? Non parce que concrètement, la demoiselle ne buvait que du champagne, pour les grandes occasions. Elle pinça les lèvres, incapable de répondre quoi que ce soit à ce monsieur, tant elle n’avait rien compris. A la place, elle prit un air sévère.

“Peu importe, vous êtes sur un lieu privé et vous vomissez partout. Allez-vous nettoyer votre bazar quand vous irez mieux ? Tenez, un cachet pour la tête.” dit-elle en lui tendant un médicament. “Et un autre pour les brûlures d’estomac.”

Une fois sa distribution terminée, elle posa ses poings contre ses hanches, voulant adopter une posture puissante et intimidante. Du haut de son petit mètre cinquante-cinq, tout à fait.

“Ecoutez, j’ignore qui vous êtes, mais je vais vous payer le taxi pour rentrer chez vous. Je contacterai un agent d’entretien, mais vous devez ABSOLUMENT revenir quand ça ira mieux pour vous excuser. C’est compris ?”

Les sourcils froncés, elle planta ses yeux dans ceux, si familiers, finalement, de l’inconnu. Cassie se montrait inflexible ; il l’avait suffisamment menée en bateau pour le moment.

Ouiiiiiiin maman le réprimande ! Wait no. Avouez ça y ressemble un peu quand même ? À l'aide, Cassie is the mum you need.
Il se força à avaler les cachets, se demandant intérieurement pourquoi avait-elle tout ça sur elle. Peut-être que les real fakes de cette génération était plus fêtard qu'il ne pensait ? Il ne les voyait pas comme ça.
Comme quoi, l'alcool est une source d'apprentissage inestimable ! -svp n'apprenez pas ça à vos enfants, ceux des autres ok par contre, ça doit être drôle-

« C'maaaarche ! S'non j'enverrais mon brother s'cuser à ma place hahAhha ! Cimer ma belle! J'te revaudraiiiis ça, jsp c'ment osef, xoxo hein. mdrrrr. » Failed attempt to do fingerguns.
Il black out un peu après ça. Il est trop crevé. Taxi, aller. Entrer..dans le taxi. Rentrer. À la maison. Lit douillet. Douche. Groooosse douche.