Mission pigeon voyageur. Enfin, j’exagère un poil mais bon, ça me fait marrer. Et puis c’est presque ça dans le fond. Je me suis retrouvé à aller devoir m’occuper du courrier à mettre à la poste de Fosterhampton après une matinée chargée en dossiers chiants à traiter. Sérieusement, si je devais enlever de mon bureau tous les cas qui ne devraient même pas avoir besoin d’une couverture juridique, je n’aurais plus qu’un dossier à traiter tous les deux jours ; en gros. C’est pas vrai ces couples qui se déchire pour kedall là ; un peu de discussion, les gars, jamais ?

Du coup après ce long et saoulant triage, je me suis dévoué pour aller faire une part un peu relou de l’administratif – tant qu’à faire, autant continuer sur une lancée pareille hein. Mais bon, dans le fond je préférais m’y coller moi plutôt que l’une des deux secrétaires avec qui je bosse. La concernée s’est cassé le poignet y’a une semaine, du coup, pas très pratique pour elle tout ça. Et puis bon j’suis jeune et ça coûte rien de rendre service. En plus ça me fera prendre l’air. Ça l’a un peu gêné mais j’ai insisté, histoire qu’elle en fasse le moins possible.

Manteau trenchcoat sur le dos, me voilà partie en direction de la poste pour expédier tout notre courrier. Wheeee, grosse ambiance, ça se sent que je suis super motivé à faire ce que je vais faire ? Ouai hein ? A fond les ballons. Avantage cependant : je bouge. Ca me dégourdi les jambes. Inconvénient : je sais que je vais mettre trente ans à atteindre le guichet et ça me gonfle d’avance. M’enfin, il faut ce qu’il faut. J’me suis dévoué, j’avance maintenant, c’est comme ça. Et puis bon ça va je vais pas au purgatoire non plus. Presque, mais pas totalement on va dire…
M’enfin, je suis mauvaise langue parce qu’en fait, quand j’ai débarqué dans le secteur, y’avait personne. Juré. PERSONNE. J’avais jamais vu une poste aussi vide je crois. Mais bon, je vais pas me plaindre, je dépose tout ce que j’ai à déposer et yolo, on repart. Si je peux ne pas moisir dans un endroit pareil, ça m’arrange.

Sauf que bon, du coup je suis ressorti de là vraiment plus tôt que prévu. J’ai dit à mes secrétaires que je prenais quarante-cinq minutes au bas mot, ça fait à peine dix… Et si je profitais d’une petite demi-heure en supp ? Ca ne causera de tort à personne et là, de suite, j’ai bien envie d’un café. Comme le Frozen est juste là, à même pas dix mètres, ce serait bête de passer à côté.

Ni une ni deux, me voilà à l’intérieur. Je prends quand même soin d’ouvrir mon manteau histoire de ne pas crever de chaud inutilement – bon ok en dessous j’ai qu’un T-shirt, mais quand même, j’suis british moi, les fortes chaleurs, très peu pour moi. C’est là que je la remarque. Lilas ! Oh, miracle, j’ai calé son prénom en une seule tentative. Faut dire que ça fait un moment maintenant que je la croise. Et puis je l’ai ramené sur mes genoux en conduisant un van aussi, pour sortir de ce putain de bâtiment en flamme. Ça aide à mémoriser, tout ça.

Du coup, je vais pour aller la voir, la saluer tout ça, voir comment elle va et tout le toutim –un trauma crânien c’est dangereux quand même. Sauf que… Bah j’ai pris une douche. Au sens littéral du terme. Je crois qu’il m’a fallu trois secondes pour comprendre ce qu’il s’était passé. Ah ok. Elle m’a jeté son eau à la figure. Bon, bah euh, apparemment elle a l’air mortifiée, j’imagine qu’elle ne l’a vraiment pas fait exprès. On va être sympa et voir les choses comme ça hein.

« Euh, c’est pas grave, si tu vas mieux, tant mieux. » Ouai sauf que je vais pas rester comme ça, mon T-shirt blanc est trempé maintenant, il est devenu transparent. Bon, foutu pour foutu, je pose mon manteau sur le comptoir et retire mon T-shirt. Kaelen me dira rien, je le sais. « Juste… Tu sais où je pourrais taxer une serviette ? Et un truc de secours pour pas retourner au taff torse nu, si possible ? » J’espère qu’il y a une solution parce que sinon…

Je sais pas trop si on peut dire que je suis frileux ou quoi mais ce qui est sûr au moins – déjà un truc de clair- c’est que les flashs mob façon Ushuaya, je m’en passe volontiers. Enfin… Encore j’aurais été en week-end, ça ne m’aurait pas trop posé de souci. Mais là euh. J’dois retourner au taff quoi. Ça risque d’être gênant si je me ramène torse nu quoi. Pour moi le premier. Non parce que mes deux secrétaires sont mariées et une a eu une petite fille l’année dernière. J’ai pas envie qu’elles se fassent de fausses idées non plus. En plus sans mauvaise pensée j’suis pas trop MILF donc bon... MAIS PUTAIN A QUOI JE PENSE MOI ?

Genre c’est bien le moment de penser à un tag porno. Bien Ae’, continues comme ça Ae’. Putain j’ai envie de me cogner la tête contre le comptoir. Mais je vais éviter. Pas trop envie que Kaelen me défonce par la suite pour dégradation de mobilier – elle aurait raison en plus. Etant donné que notre chère Knight- Non pardon, c’est vrai que maintenant c’est Madame Perrault, a suffisamment d’arguments pour me casser les pieds, je vais éviter de creuser ma propre tombe avec elle – enfin plus que je ne le fais déjà quotidiennement, déjà.

Du coup, je prie quand même pour qu’on puisse me dépanner au moins un T-shirt – que je laverai et repasserai avant de le rendre, simple mesure de correction. Apparemment, j’ai une micro-chance que ça se passe bien donc on va espérer que ça continue sur la même lancée.

Je suis Lilas juste dans une pièce un peu au fond, l’arrière-boutique, je crois ? Ou alors est-ce dans un bar, on appelle ça l’arrière-bar ? Non parce que arrière-salle ça fait un peu bizarre, non ? Mystère. Ouai je me pose de vraies questions existentielles sinon, c’est vrai. Oh et puis whatever.

J’entre donc en suivant les indications de Lilas et tique un peu en l’entendant s’excuser. Pourquoi elle s’excuse, déjà ? Je me retourne vers elle. « Euh… Merci ? Et pas grave, ça va aller t’en fais pas. » J’allais pour attendre un peu qu’elle appelle Kaelen en regardant les vêtements pendus ici. Même pas sûre qu’il y en est à ma taille. Enfin, pas que le mari de l’anglaise soit petit ou quoi mais je sais qu’on a pas la même carrure c’est tout. J’ai les épaules plus carrées, déjà.

Mais bon je peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour elle quand même.  Après ce qu’il s’est passé à Blenheim et tout… Bref. Je crois qu’au fond je me sens un peu responsable d’elle. Elle est toute rouge, j’espère qu’elle va bien quand même. Oh puis merde. J’lui demande. « T’es sûre que tu vas bien, sinon ? » Voilà, aller, ça c’est fait. « Ça te dit de sortir ce week-end ? »

…Quoi ? Attends, ça sort d’où, ça ? WAIT WAT ?

Je crois que j’ai rarement été dans une situation pour cheloue que celle-ci. Non mais j’veux dire, il y a cette fille que j’ai sorti presque des flammes qui me donne l’impression qu’elle va exploser si le teint de son visage tourne encore plus rouge, et … Il y a moi. Qui vient de l’inviter à sortir. Sans aucune foutue raison. Bon, après, c’est pas un mal non plus, c’est vrai que dernièrement, j’ai peu pris le temps de sortir… Autrement qu’avec Rhys et Sony, s’entend. Un peu nouveautés, ça fait jamais de mal, pas vrai ? Et puis c’pas non plus un rencard, de quoi j’ai peur, au juste ? Je pige pas. Pas comme si j’avais jamais eu de rencard en plus. ET LA S’EN EST PAS UN. Oh, faut que je réorganise mes pensées. Finalement, la douche pas prévue à peut-être été un peu plus destructrice que prévue, ahah.

Bon, aller, faire vivre le semblant de conversation que j’ai réussi à gratter. « Euh. Ok. Du coup, ça te dit un ciné’ ? Ou autre chose, j’ai pas vraiment de préférence. Tout dépend ce que toi tu aimes bien regarder. Blockbusters, thriller, ect… » Je prie pour que ce ne soit pas une comédie romantique, j’en ai assez bouffé avec ma mère et ma sœur. Bon après si elle veut regarder ça, je ne m’y opposerai pas non plus comme si ma vie en dépendait, faut pas déconner, je sais faire la part des choses. Puis, elle aussi doit avoir besoin de se changer les idées, j’pense ? Ca me semblerait logique, en tout cas.

« Si tu veux, on pourrait aller boire un truc en ville avant, aussi. » Je sais pas moi, un chocolat chaud… ou un mojito. Je sais pas ce qu’elle aime, oh ! Je la connais pas. Ou alors à peine. Je lui ai sauvé la mise deux fois, c’est vrai, mais ça suffit pas pour savoir ce qu’une personne kiffe dans la vie. A part les gros lourdeaux qui l’appelle Sophie, bien sûr. Mais ça c’était évident.

Et je commence à me les geler, accessoirement. Ça aussi, dans le genre évident…

Je suis perdu putain. C’est pourtant pas la première fois que j’invite quelqu’un à aller au ciné quoi, pourquoi je suis aussi peu sûr de moi d’un coup ? C’est dingue, j’ai l’impression que je ne peux pas approcher cette fille sans partir en vrille ou risquer de la casser. Elle a l’air… hyper fragile, ouai, c’est tout à fait ça. Fragile. J’ai pas envie de lui faire mal ou de la mettre mal à l’aise. Elle est super mignonne en plus, je m’en voudrais que les choses se passent mal. Je veux juste être sympa ! Et puis bon, quand j’essaie j'me faire doucher. Littéralement. Youpi.
Mais je ne lui en veut pas, elle est passé par des trucs pas cool aussi récemment. Moi je peux résister mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Bon, alors euh… Films d’animations ? C’est les trucs japonais, ça, non ?

J’avoue que je n’y connais pas grand-chose, dans ce genre-là. Le ciné’, j’y vais rarement pour le message philosophiques ou quoi. Au moins on semble s’entendre là-dessus. « Je ne suis pas très calé là-dessus en fait… Je crois qu’il y en a un qui repasse là, au cinéma de la ville. Tu sais, une diffusion spéciale ou je sais pas quoi. C’est ‘Le Voyage de Chihiro’ je crois, j’ai vu le titre ce matin… Je peux aller chercher deux places en retournant au boul- »
Oh merde. Le taff. Mais je suis carrément en retard là ! « MERDE ! » Oops, non faut pas qu’elle croit que c’est pour elle que je dis ça, rien à voir justement « Euh non, pardon, je dois retourner au taff c’est pour ça, rien à voir avec toi t’inquiètes. Et euh, du coup, ok je viens te chercher samedi soir si ça te va, on ira se boire un truc au Starbucks… j’t’invite ! Puis on enchainera le cinéma. J’y connais rien en animation du genre donc tu pourras peut-être me conseiller, ahaha ! » Je suis mal à l’aise putain.

Bon, je dois filer en vitesse. J’attrape un t-shirt noir et je l’enfile direct. Bon, j’ai les épaules un peu serrées mais ça fera l’affaire jusqu’à ce soir. C’est ça l’impression qu’on les femmes avec leurs soutifs toutes la journée ? Je les plains. ET POURQUOI JE PENSE A CA ?!

« Bon euh, bah à samedi alors ! » Et je la contourne pour remonter vers le bar ou je reprends mon manteau avant de filer. Bon bah, ça, c’est fait. J’espère que ça se passera bien. J’ai jamais autant galérer pour un rencard.
EUH. MINUTE. C’EST UN RENCARD ?!

END