Le chargé de sécurité le savait ; jamais il n'aurait dû quitter son appartement en voyant ce déluge. Et pourtant le voilà là, coincé par le plus grand des foutus hasards, dans cette école maternelle. Il est vrai que, par pure curiosité, il était venu se renseigner sur l'âge d'admission, sur le service de restauration, et s'il y avait une pré-rentrée en crèche. Pour Opaline. Par simple foutue curiosité.

Et y a eu ce foutu déluge, cette foutue eau, et ces foutues infrastructures.

Les gosses pleurent, hurlent ; c'est une réaction absolument normale. Et il faut prendre les choses en main. L'angoisse de savoir Théo et Opaline lui met les nerfs à vif. Mais il faut qu'il prenne sur lui. Autant que possible. Il inspire alors, et lance un regard vers le maire puis s'en approche.

« Il faut qu'on arrive à les calmer. Le mieux ce serait de détourner leur attention pour qu'ils oublient autant que possible ce maudit déluge. Vous en pensez quoi ? »

Il tourne la tête et aperçoit alors deux têtes qu'il connaît bien. Sa grimace à cet instant se passe de commentaires ; il n'est ni heureux, ni soulagé. Juste profondément blasé.

« Headland, Crawley, ramenez vos fesses ici. Vous êtes sous ma responsabilité. »

Parce que même en dehors de Blenheim, Sony reste leur chargé de sécurité. Il se doit de veiller sur eux. C'est comme ça.

Alors, déjà, wtf. Secondement, wtf. Et pour finir. What. In. The. Fucking. Fuck. Ta. Mère. La. Pute. Est. Ce. Bordel.
Foresthampton, aka, la ville en carton, a prit l'eau.
Sérieusement ?? C'est quoi ça, une sorte de Truman show ? Y'a une caméra cachée ou quoi ? Va te faire la ville, va te faire bien profond tient. Nan, mais à ce train-là, autant prendre un bulldozer et tout raser, ça iras plus vite.

Tim se tenait l'arête du nez entre les doigts, l'air passablement...done with this shit. Il avait mal au crâne, parce que bien sûr, BIEN SUR, le seul refuge assez près de sa foutue personne c'était une école...maternelle. Donc il y avait des gosses. Petits. Qui hurlaient. Super. Ahah. Joie, papillon, envie de meurtre.

Vrai, ce n'était pas son premier choix, lui de base, il avait voulu faire carrément demi-tour, rejoindre Aelig, aller adios, mais c'était une idée extrêmement conne, ce que Titania lui avait bien fait comprendre en traînant son cul ici. Et le réseau est mort. Parce que sinon, ce n'est pas drôle hein. Aucun moyen d'avoir de ses nouvelles du coup et aucun moyen de REFLECHIR MAIS C'EST PAS POSSIBLE ÇA !
« S'ils ne la ferment pas, je les jette a l'eau. » Uuuuuuuuuurgh !

– TIM, FAIS PAS LE CON !
Combien de fois ai-je bien pu répéter cette phrase...? En l'occurrence, il s'agissait de lui sauver la peau. Maintenant, il va falloir l'empêcher d'assassiner des enfants. Ce serait ballot, surtout devant le chargé de sécurité et le... maire ?
Oula ouais, Tim, fais pas le con stp.
J'ai les nerfs en pelote, mais la simple vu de ces pauvres gamins terrorisés (ou à côté de la plaque) a l'effet d'une décharge électrique. Ces gosses n'ont rien demandé à personne, leurs parents sont sans doute paniqués, et ils sont là, échoués presque, leurs grands regards effrayés... J'ai le besoin de les protéger. J'en oublie presque Tim une seconde, j'avale ma salive, relève les yeux vers le chargé de sécurité, m'approche.
– Chef oui chef. On peut peut-être faire quelque chose...?
Je me mords la lèvre.
– Je... Je peux aider à les distraire ? J'ai quelques photos et dessins sur moi, puis il y a des livres de coloriage ici... On peut leur raconter des histoires aussi...
On pourrait aussi les serrer dans nos bras, eux aux gestes si avides, mais ça m'effraie sans doute bien plus que le torrent, là, dehors.

La proposition de Titania fait hocher la tête du chargé de sécurité ; elle a l'air confiante et décidée à apaiser l'atmosphère lourde. Lorsque le maire se range oralement de leur côté, Sony ne peut que rester muet en le voyant poser un chapeau de pirate sur sa tête. Il hausse un sourcil et regarde la réaction des enfants qui, comme une traînée de poudre, se répand chez l'un puis chez l'autre. Il a capté leur attention. Son physique y est pour beaucoup, sans nul doute.

Les enfants se rassemblent autour du maire et de Titania, Sony s'occupant d'informer les instituteurs de leur démarche. Il resterait en retrait pour s'assurer qu'aucun enfant ait été oublié. Ni qu'un certain étudiant ne tente de se mettre en danger en voulant sortir. Il attrape Tim par le col de sa chemise pour empêcher toute tentative de fuite et, sans même un regard à l'étudiant, il regarde les enfants.

« Si vous ne vous dépêchez pas, nous, les méchants pirates, on prendra le trésor. »

Les enfants poussent des cris à nouveau ; mais des cris enjoués. A cet âge, la moindre distraction suffit. Et, dans le cas présent, c'est mieux comme ça. Sony lance un regard à l'étudiant.

« Je compte sur toi pour jouer le rôle du méchant. Ça devrait pas être trop compliqué pour toi. Et si ça peut te permettre, toi aussi, de pas brailler, c'est tout bénéf pour moi. »

Si Sony voit Tim comme un enfant ? Oui, parfaitement.

Ok donc, on est dans un épisode de l'île aux enfants. Non mais désolé, mais c'est carrément ça là, tient, aller, lui aussi, il propose un jeu, on va jouer à marco polo, aller youpi, ça va être fun.
ET PUIS D'OÙ IL LE TOUCHE L'AUTRE GRUMPY WANNABE DARK MUSCLOR ! Hiss hiss, LÂCHE LA CHEMISE !

Tim regarde M.McClusky, regard noir, avant de se tourner vers les gosses avec la même sale tronche. Ça suffit a les faire flipper, youpii il est dans le rôle. Ergh.

« Ouais c'est ça, je suis Don Crawley et en plus du trésor, je vais piquer vos kinder bueno. » Agrougrouh.
Aller, on va dire, c'est comme quand Séréna et lui devait jouer avec leurs frères et sœurs. Casse couille, mais pas moins que d'entendre des cris et des pleurs trois heures de suite.
Fuck la vie.

Être en présence d'adultes responsables, calmes, qui gèrent la situation, c'est vraiment quelque chose d'incroyable. Même moi, qui ne suis pourtant ni influençable ni très sensible, je me sens plus apaisée. Bon, y a ça puis le fait que je m'inquiète pour ces pauvres mioches... désespérément. J'ai un don pour m'inquiéter pour l'autre plus que pour moi même ; ironique au vu de mon parcours, mais là n'est pas la question.
Je hoche silencieusement la tête en écoutant le maire puis M. McClusky prendre la parole, et un sourire hésitant vient flotter sur mes lèvres. En fait, un sourire vient même se loger au creux de mes yeux devant le comportement de M. Richardson. C'est une bonne stratégie en effet, et j'apprécie tout particulièrement son comportement naturel dans une telle situation, quand ce n'est pas vraiment ce que l'on imagine un politicien faire.
Puis arrive le moment où Tim entre en scène, et je me retiens de lui taper l'arrière du crâne. Parce qu'il joue le jeu, donc ce serait con. Mais son manque d'implication m'arracherait presque -presque- un soupire. Je me tire rapidement les cheveux en arrière et remarque la présence d'une plume traîner dans le coin ; et hop, avec ma dégaine et ça dans les tifs, on peut dire que je fais un parfait personnage d'heroic fantasy. Je suis à peu près dans le thème.
– Allons-y, poissons d'eau douce !
Je... ne suis pas une grande fan de pirates ? Qu'importe !
– Trouvons le trésor du capitaine avant que le voleur de kinder bueno n'entre en action ! Il nous faut une carte ! Et il se trouve que...
Ouvrant rapidement mon sac, je trouve sur un papier qui fera aisément l'affaire ; ce n'est pas tout à fait une carte, mais c'est assez étrange pour y ressembler, et aucun gosse ne semble vraiment s'en préoccuper sur le coup.
– Oui... Première indication, un indice se trouverait là haut ! Mon capitaine ?
Je lance un regard au capitaine, cherchant son appui ; en tout cas, les mioches sont à fond.

C'était bien parti pourtant. Chacun y a mis du sien, même Tim.
Et il a fallu que Dame Nature, dans son infinie mansuétude, décide d'effrayer les enfants avec un puissant coup de tonnerre.
Et les enfants braillent à nouveau, mettant à rude épreuve les nerfs de l'australien. Un soupire franchit ses lèvres tandis qu'il se pince l'arrête du nez. En quelques enjambées, il rejoint le brave maire de la ville.

« J'imagine que c'est foutu. Les emmener à l'étage dans leur état, ça va être compliqué. D'autant que, en hauteur, ils entendront encore mieux l'orage. Ça sera le chaos. » Il réfléchit, se massant la nuque. « Et les emmener au sous-sol serait encore plus dangereux si jamais l'eau réussit à s'infiltrer. »

S'il ne s'agissait que d'adultes, même d'astraphobes, Sony pourrait gérer. Il aurait trouvé la solution. Mais là, des gosses en bas âge. Qu'est-ce qu'il pourrait faire ? Leur raconter que c'est un enfant, dans les nuages, qui a trouvé un ballon et qui le fait rebondir ? Mouais. Il est pas convaincu.
Et la pression commence à monter.

« La seule idée qui me vienne à l'esprit, c'est de construire une immense cabane avec les couvertures, les coussins, et tout ce qu'on a sous la main. Ils ne verront pas les éclairs, et le bruit du tonnerre sera peut-être atténué. »

Tout semble bien se goupiller, les gosses ferment enfin leur gueule, les adultes sont à fond dans leurs rôles de débiles, Tim veut se tirer une balle, mais tout va bien.
Pendant genre, deux minutes.
Et après, c'est de nouveau l’apocalypse. S u p e r.
Tonnerre de brest comme diraient les pirates. Vu que c'est le thème. Putain. Fait chier. S'il avait une once d'esprit coopératif avant, c'est partit avec la bonne humeur des chialeurs.
« Ça où on les assomme... » Et on s'épargne un gros mal de tête.
Ils se demandent si les autres sont dans une situation aussi casse-couille que celle-ci. Il espère. C'est mieux d'être entouré d'enfant qui se pisse dessus à cause du tonnerre que d'être au bord de la noyade ou de l’hypothermie.
… Eh bah, c'est bien avec ce genre de phrase qu'on remarque une chose : la vie ? C'est de la merde.

Le maire semble séduit par l'idée du chargé de sécurité. Il s'apprête donc à embarquer Tim pour aller chercher ce que le maire leur demande, mais c'est sans compter sur le gamin qui s'accroche à lui. Il pleure. Sony s'accroupit donc, prêt à le rassurer, mais lorsqu'il formule la raison de ses pleurs, Sony se redresse vivement et regarde le groupe d'enfants. Il refait le compte et constate qu'il en manque effectivement un.

Il peste et préfère ne pas inquiéter les autres enfants et laisser Titania et Bartholomew endormir leur peur avec un conte ou deux. Ne reste donc que Tim. Et il est hors de question que Sony laisse un étudiant sous sa responsabilité prendre des risques en quittant le groupe. Le métisse soulève donc l'enfant, le collant dans les bras de l'Outrageous.

« T'en fais pas, le moussaillon aux kinder bueno va s'occuper de toi. Moi je vais chercher ton petit frère. »

D'un geste de tête, il invite Tim à conduire le gosse avec les autres puis se détache donc du groupe. Il s'agit d'enfants plutôt petits ; leurs enseignants leur ont dont déjà sûrement interdit d'aller à l'étage seuls. Et Sony l'aurait vu passer dans les marches. Il est donc forcément aller se balader ailleurs. Mais où ?

Le chargé de sécurité quitte donc l'espace et s'engouffre dans les couloirs. Savoir qu'un gamin se balade tout seul, alors qu'il y a tant de risques, ça le rend malade.

« Eh petit, si tu reviens pas, tu vas louper le goûter du pirate ! »

Que, quoi, ew non ! Qui lui a collé un gamin dans les bras ! Non, plutôt, qui a cru que c'était une bonne idée de lui coller un gamin dans les bras. Il n'a pas intérêt de lui baver dessus, la pluie ok, la morve non, il ne porte pas du Saint-Laurent pour devenir un mouchoir de luxe putain.

« Uh, arrête de pleurer, ton frère va se foutre de ta gueule quand il va revenir sinon. » Eh oh, y'a pas marqué Nanny ici, s'il doit s'occuper d'un enfant, il ne le fera pas avec des pincettes. Au moins ça à le mérite de le calmer un peu, parce qu'il a dit un gros mot, et apparemment c'est pas bien. Donc bah, Fuck u kid, rien à battre un peu.

« Wesh Tita, tu peux pas le prendre le glaireux, il me les casse là et je dois aller chercher les machins pour..la cabane. » La stupide cabane, mais whatever, tout pour s'éloigner de tout ces brailleurs.
À l'étage qu'il avait dit le maire ? Bien, allons explorer là-haut, avec de la chance, il trouvera des boules quies et de l'arsenic.

C'est au détour d'une fenêtre que Sony se stoppe net et fait quelques pas en arrière pour constater, non sans effroi, que le mioche est dehors. En sécurité sans vraiment l'être vu le niveau de l'eau.

L'australien peste et regarde autour de lui ; sortir par la porte est totalement exclu, l'eau pourrait rentrer et mettre en danger tout le monde. La fenêtre reste donc son unique option. La question étant maintenant de mettre la main sur quelque chose qui l'empêcherait d'être emporté par le courant une fois le gamin avec lui.

Une idée lui vient alors et il revient sur ses pas pour entrer dans un local. Là, il y trouve plusieurs cordes à sauter qu'il noue ensemble avant de retourner vers la fenêtre qui semble être la plus proche du gamin. Le métisse attache solidement un bout à la poignée de la fenêtre puis, tenant l'autre dans sa main avant de sauter, sans hésitation, dans l'eau.

« Bouge pas p'tit, j'viens te chercher ! »

L'eau lui arrive déjà au niveau de l'abdomen, il va falloir qu'il se dépêche. C'est, non sans mal, que Sony rejoint le gamin, lui tendant les bras sans se laisser un moment de répit.

« Allez, viens. Ton frère te cherche pour partager le goûter des pirates. »